UNE POLITIQUE DE LA FAMILLE. Lui qui était "l'homme de Verdun",le maréchal Pétain était conscient,
plus que tout autre,de la dramatique saignée qu'avait subie
la population française du fait de la guerre de 1914-1918.
La menace de dépopulation existait déjà avant 1914:
la population de la France,qui représentait 20% de celle de l'Europe
à l'époque napoléonnienne,n'en représentait plus que 10 %
à veille de la Grande Guerre.
Aggravant tragiquement cette situation,l'hémorragie provoquée
par le conflit a été terrible:1 385 000 morts
(déclaration faite à la Chambre des Députés le 26 décembre 1918
par le
sous-secrétaire d'Etat à la Guerre),plus de trois millions
de blessés (dont plus d'un million resteront invalides):
"
La guerre de 1914 a infligé à la population française une amputation
dont elle ne s'est jamais complètement remise"(Jacques Dupâquier,
Histoire de la population française,tomme 4,
PUF,1995).
Sont tristement éloquentes,à cet égard,les longues listes de noms
que l'on trouve sur les monuments aux morts des villages français,
y compris les plus modestes (en bien des cas,il est évident que
le nombre de ces morts est bien supérieur au nombre des habitants
actuels de villages en partie désertés...).
A la fin de la IIIè République les autorités officielles ont paru prendre
conscience de la gravité de la dépopulation.
Dans un discours prononcé le 4 juin 1939 (la date a son importance !),
Daladier déclare:
"
Un pays désert ne peut plus être un pays libre.
Il est une route à toutes les invasions,une proie offerte
à toutes les convoitises..."Il était temps d'y penser....
Dès son origine,l'Etat français né des pouvoirs constituants confiés
au maréchal Pétain,le 10 juillet,par les sénateurs et députés
(par 569 voix contre 80),se préoccupa du sort de la famille,
au point de l'inscrire dans sa fameuse devise " Travail,Famille,Patrie"
(qu'un certain Raymond Barre déclara un jour n'être pas sans valeur...).
C'est donc une politique franchement nataliste qui fut mise en place
par le gouvernement de Vichy,pour essayer de rattraper le retard pris
en la matière sur des pays comme l'Allemagne et l'Italie.
Dans un pays traumautisé par le brutal retour aux réalités du printemps 1940
sont remises à l'honneur les valeurs terriennes de l'enracinement,telles
qu'on peut les trouver dans les livres d'un Jean Giono.
Du coup,la maternité est célébrée comme un devoir civique,tandis que
l'avortement est assimilé par la loi du 15 février 1942 à un crime contre
la sûreté de l'Etat (considéré comme un crime depuis 1791,interdit
par le Code pénal depuis 1808,sa répression avait été renforcée
par la loi Barthou du 23 mars 1923).
Sont prises de significatives mesures d'aide matérielle à la famille:
- taux de base des allocations familiales pour tout enfant de rang 3
ou plus majoré de moitié,
- supplément familial de traitement pour les fonctionnaires pères de famille,
- prêt aux jeunes ménages (assorti de bonifications pour les familles
nombreuses).
Mais la mesure la plus spectaculaire et financièrement la plus déterminante,
est la création de l'allocation de salaire unique par la loi du 29 mars 1941.
Dès 1943, elle représente plus de la moitié des prestations fournies
aux familles.
La mesure est d'autant plus favorablement ressentie qu'à l'époque
les trois quarts des mères de deux enfants et plus de 90 % des mères
de trois enfants ou plus n'ont pas d'emploi salarié et se consacrent
donc totalement à l'éducation de leurs enfants.
Cette allocation est versée dès le mariage (pour encourager une première
naissance rapide) et elle est,pour une famille de deux enfants,de 2,5 fois
supérieure aux allocations familiales.
Du coup on assiste en pleine guerre (période donc normalement peu favorable)
à un retournement de la conjoncture démographique:dès 1942 commence
le "baby-boom",qui va durer jusqu'en 1964,les vainqueurs de 1945 n'ayant pas
osé prendre le contre-pied des mesures très populaires adoptées sous l'égide
du maréchal Pétain.
Pierre Vial. Source:
RIVAROL n°2992 du mars 2011,page 12.