Oradour : ces cadavres qui se sont volatilisés.
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Table des matières -
- Une cinquantaine de corps retrouvés pour 500 victimes.
1
- On ne saurait prétendre que 450 corps sont partis en fumée.
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- Des cadavres emmenés loin d’Oradour
2
- La thèse des camions allemands.
2
- Une thèse qui ne tient pas.
2
- L’élément nouveau apporté par E. Viau.
2
- L’affaire des inconnus venus « nettoyer » l’église.
2
- Des cadavres ont été manipulés dès le 10 juin au soir
3
- Des « nettoyeurs » qui ont probablement manqué de temps.
3
- Un nom qui disparaît sans raison des listes.
4
Conclusion.
4
Les cadavres les moins touchés ont été retirés de l’église d’Oradour
avant l’arrivée
des sauveteurs ;c’est quasi certain,même si l’on ignore qui a effectué cette besogne.
Une cinquantaine de corps retrouvés pour 500 victimes.
Il apparaît en effet que certains corps manquent à l’appel :
- en effet, si l’on consulte le rapport du docteur Bapt, on découvre
qu’une quarantaine de corps, seulement,furent découverts aux alentours de l’église :
- 10 sous l’appentis du presbytère ;
- 25 dans la petite fosse près de la porte latérale du bâtiment,
- et deux dans le jardin du presbytère (voy. P.Poitevin, op. cit., pp. 154-155).
Sans doute faut-il y ajouter d’autres corps retirés d’une autre fosse
«
découverte derrière l’église, sous les ruines d’un réduit »[
1].
Le tout doit se monter à une cinquantaine de corps environ.
Or,on sait que plus de cinq cents femmes et enfants avaient été enfermés dans l’église.
On ne saurait prétendre que 450 corps sont partis en fumée.
Où sont passés les autres ?
Certains pourront me répondre qu’ils ont tous été réduits en cendres.
A l’appui de leur thèse, ils exhiberont le fameux cliché qui montre
de grosses boîtes contenant des cendres humaines (voir cliché).
Qu’on me permette toutefois d’être méfiant :
- Tout d’abord, rien ne prouve que toutes ces cendres proviennent des corps.
Dans l’église, il y avait du mobilier (plusieurs centaines de chaises notamment)
qui n’a pas pu se volatiliser.
- De plus, c’est oublier qu’aucun feu capable de faire disparaître plusieurs centaines
de corps ne s’est propagé dans l’église, puisque des objets en bois et en tissu
ont subsisté (voir le confessionnal).
- D’ailleurs, jamais la version officielle
n’a prétendu que tous ces cadavres
seraient partis en fumée. D’après celle-ci, une équipe de Waffen SS serait revenue sur les lieux le
lundi matin avec pour mission d’effacer toutes les traces du massacre (donc d’enfouir les corps).
Des cadavres emmenés loin d’Oradour
La thèse des camions allemands.
C’est précisément là que réside le nœud du problème.
Dans son compte rendu, E. Viaud parle de
«
l’enlèvement des cadavres par les Allemands qui sont venus le lundi matin
et ont emporté trois camions de cadavres pour les jeter on ne sait encore où ».
Sachant que les deux tiers des corps des hommes ont été retrouvés
(d’après le Dr Bapt, les sauveteurs ont retrouvé 110 cadavres d’hommes
sur les 150 environ qui avaient été tués), on en déduit qu’une majorité de femmes
et d’enfants décédés se trouvait dans les camions.
Une thèse qui ne tient pas.
Dans mon ouvrage, cependant, j’ai démontré l’inanité de cette thèse qui invoque
le retour d’un commando de nettoyeurs SS
(voy.
Le Massacre d’Oradour…, pp. 217-222).
La confrontation des témoignages démontre que seule une petite patrouille allemande
a pu venir sur le lieu le dimanche matin, afin d’effectuer une mission de reconnaissance. (p. 222).
L’élément nouveau apporté par E. Viau.
Le compte rendu d’E.Viau apporte un nouvel élément en faveur de mes conclusions :
- à supposer, en effet, que les Waffen SS aient emporté des dizaines de cadavres
avant de les jeter on ne sait où, et à supposer que personne ne les aient vus
accomplir cette sinistre besogne , ce qui paraît déjà très improbable ,
tous les efforts auraient été déployés pour retrouver corps disparus.
Or, à ma connaissance, aucune enquête n’a jamais été menée, ni dans les jours
qui suivirent le drame, ni plus tard, lorsque les anciens Waffen SS se trouvèrent
entre les mains de la Justice française.
Et aujourd’hui encore,personne ne semble s’intéresser à ces charniers non localisés.
L’affaire des inconnus venus « nettoyer » l’église.
Certains en déduiront que l’histoire des trois camions est entièrement fausse.
C’est toutefois oublier qu’à l’église,des dizaines de cadavres manquent effectivement.
Personnellement, j’estime que la thèse des camions allemands ne correspond
pas à la vérité, mais qu’elle se fonde sur quelque chose de vrai.
Comme Vincent Reynouard l' expliqué dans mon livre, il semble établi
que l’église a été maquillée après le drame :
- le dimanche avant l’aube, des «
inconnus » sont venus
une première fois dans le lieu saint.
Parmi eux figurait Léon Bouby (aujourd’hui décédé), dont notre collaborateur G.D.
a recueilli le témoignage catégorique de la fille (à l’époque, elle avait 8 ans)
(voy. p. 211).
D’après moi, ce sont ces inconnus qui, sans doute dans la nuit du dimanche au lundi,
sont revenus et ont nettoyé l’église pour achever la besogne commencée la veille.
Ils ont retiré les cadavres et en ont fait disparaître un certain nombre,
allant les enfouir on ne sait où.
Des cadavres ont été manipulés dès le 10 juin au soir.
Simple hypothèse dénuée de preuves formelles ? Je l’admets sans peine.
Mais elle n’est pas dénuée de tout fondement.
Je rappelle en effet que, venu à l’église le dimanche, Martial Machefer
(un résistant d’Oradour qui était parvenu à fuir à l’arrivée des Waffen SS),
a vu un tas de cadavre d’ «
une hauteur d’un mètre cinquante »
(voy. J.-J. Fouché, op. cit., p. 182).
Comment croire que des morts aient pu s’entasser ainsi ? C’est impossible ;
il a fallu qu’une ou plusieurs personnes les fassent.
Dans sa déposition, d’ailleurs, M. Machefer déclara qu’une femme
«
dévêtue dans sa partie inférieure » était
«
dessus les corps » et «
avait dû […] avoir été apportée là » (Id.).
De son côté, le père de famille qui vit l’«
amoncellement des cadavres »
avant que celui-ci ne soit retiré déclara à E. Viau
«
qu’il n’y avait par-dessus que des corps d’enfants et que ceux
des grandes personnes étaient dessous ».
Il crut pouvoir en déduire que les Waffen SS avaient
«
fait coucher les femmes par terre et les enfants par-dessus »
avant de les tuer. Or, jamais la thèse officielle n’a évoqué une telle manœuvre.
A mon avis, ces dépositions confirment que des cadavres ont été manipulés,
triés et entassés après le drame, en vue de leur évacuation.
De façon très révélatrice, d’ailleurs, M. Machefer précisa que les corps en tas
étaient visibles «
surtout du côté d’une petite porte de sortie de l’église »
(la porte latérale ; voy. J.-J. Fouché, op. cit., p. 182).
C’est logique :
- quand on se prépare à vider un lieu, on entasse près d’une sortie.
Voilà pourquoi, selon moi, ce tas était l’œuvre d’individus venus dans la nuit
du samedi au dimanche pour commencer un travail de nettoyage et de maquillage.
Ils l’ont terminé la nuit suivante et
la thèse officielle a mis cela sur le compte
des Waffen SS venus le lundi matin...Des « nettoyeurs » qui ont probablement manqué de temps
Mais alors, me dira-t-on,
- pourquoi avoir enfoui une quarantaine de cadavres dans deux fosses creusées à l’église ?
- et pourquoi en avoir laissé une dizaine d’autres sous l’appentis du presbytère ?
Je n’ai naturellement aucune réponse certaine à ces questions.
Personnellement, je privilégierais la thèse ,banale ,du manque de temps pour tout
«
nettoyer ».
Les Résistants n’avaient pas de gros moyens, ils opéraient de nuit et dans l’urgence.
On peut donc comprendre que leur travail ait été incomplet, qu’il leur ait fallu
improviser [
2] et qu’ils aient laissé (par mégarde ou non) quelques cadavres
sous un appentis.
Un nom qui disparaît sans raison des listes.
A propos de ces corps laissés là, relevons un élément troublant :
- certains d’entre eux étant aisément reconnaissables, on sait que le cadavre
de Germaine-Marie Bois a été retrouvé aux côtés d’une demoiselle Marie-Rose Bastien.
Dans le rapport du docteur Bapt, ce dernier nom revient à deux reprises,
dans la partie consacrée aux emplacements où ont été retrouvés les corps
et dans la liste nominative des 28 victimes identifiées dans les premiers jours[
3].
Il ne peut donc s’agir d’une erreur.
Or,cette Marie-Rose Bastien ne figure pas sur la liste officielle des victimes identifiées.
De plus, sur la liste des victimes recensées, on ne découvre aucun Bastien
ni aucune femme qui se serait prénommée Marie-Rose
(on voir des Marie, Marie-Louise, Marie-Yvonne).
Pourquoi a-t-on fait disparaître ce nom ?
Faut-il en déduire que cette M.-R. Bastien n’aurait pas dû être là ce samedi 10 juin 1944 ?
Fautes de renseignements, je ne puis, hélas, répondre.
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Conclusion -
Quoi qu’il en soit, la conclusion de tout cela peut s’exprimer ainsi :
- il est quasiment certain que dès le samedi soir,
des inconnus sont venus
à Oradour afin de maquiller l’église. Ils ont notamment manipulé des cadavres, effectuant un tri et les plaçant près
d’une sortie pour les évacuer.
Mais ils n’ont pas eu le temps d’achever la besogne, si bien que le dimanche,
des personnes (au moins deux) ont pu voir ces cadavres entassés.
Ces inconnus sont revenus le dimanche soir pour terminer leur travail.
Ils ont évacué les corps qui se trouvaient dans l’église et les ont fait disparaître
on ne sait où.
Involontairement ou non, et sans doute par manque de temps, ils en ont laissé
sous un appentis.
Maintenant, une question essentielle se pose :
- pourquoi avoir pris le risque d’effectuer un tel travail ?
Ma réponse est la suivante :
- sachant que, dès le départ, la thèse officielle du drame faisait état de femmes
et d’enfants brûlés vifs, il fallait faire disparaître tous ces cadavres déchiquetés
dont la seule vue aurait fait penser à une ou plusieurs fortes explosions.
Telle fut la mission des inconnus venus deux fois à Oradour dans les 10 et 11 juin au soir.
Mais la besogne n’ayant pu être totalement achevée, certains cadavres déchiquetés
furent vus et photographiés. Voilà pourquoi la thèse officielle changea,
évoquant cette fois une explosion (celle d’une «
caisse »
apportée par les Waffen SS) (voir les contradictions de Mme Rouffanche).
Certains pourront m’accuser de bâtir des romans à l’aide de quelques indices.
Ils en riront et les qualifieront d’élucubrations.
Je me contenterai de leur répondre que l’enfouissement hâtif de certains corps
dans deux fosses près de l’église fut tout bénéfice pour la propagande des
FTP. A l’époque, en effet, une intense propagande soviétique mettait le massacre de Katyn
sur le compte des «
nazis ».
La découverte de plusieurs charniers à Oradour allait permettre d’organiser
le même tapage en France.
L’un des premiers tracts qui circulèrent dès juin 1944 dans le Limousin était intitulé :
«
Katyn Limousin – Oradour-sur-Glane ». Les auteurs écrivaient :
"Le lendemain [du drame] vers 17 heures, [les SS] revinrent, dans une fosse
[qu’]ils creusèrent, ils entassèrent pêle-mêle les cadavres des 200 bambins.
Oradour-sur-Glane est devenu Katyn"[
4].
Aujourd’hui, grâce à l’ouverture des archives, on sait que Katyn fut un massacre
perpétré par les Soviétiques.
Qu’attend-on, en France,pour ouvrir toutes les archives relatives au drame d’Oradour ? --------------------------------------------------------------------------------
[
1] Voy.
le rapport du commandant de Praingy,
cité par P. Poitevin, op. cit.,p.194.
[
2]
D’après P. Poitevin, les corps retirés de la fosse creusée près de la porte latérale
de l’église étaient enterrés à «
quelques centimètres de profondeur »
(voy. P. Poitevin, op. cit., p. 79).
[
3] Voy. P. Poitevin, op. cit., p. 155 et 157.
[
4] Voy.
La mémoire d’Oradour. Catalogue de l’exposition organisée
du 28 juin au 8 septembre 1996 (éd. du centre de la Mémoire d’Oradour, 1996),
pp. 68-69.