(
La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen)
En ce début d'été 1789, les révolutionnaires avaient toutes raisons
de se réjouir et de s'enhardir.
Ils tenaient les ex-Etats généraux devenus très démocratiques "Assemblée nationale"
où le bluff et l'intimidation paralysaient les députés qui se seraient voulus "modérés".
Ils tenaient aussi la rue où pullulait toute une faune de gens sans aveu, de rôdeurs,
de déserteurs et de prisonniers en cavale et d'apatrides, prêts à s'ébranler au moindre
mot lancé du Palais Royal (d'où leur nom de "brigands d'Orléans").
Il s'agissait désormais de "légitimer" (si l'on peut dire) les coups d'Etat "légaux"
perpétrés à Versailles, par quelques actions dans les rues de la capitale qui fît croire
à tout le monde, à commencer par le roi, que le peuple approuvait ce qui venait
de se passer à l'assemblée.
Une campagne de presse financée par le duc d'Orléans, et probablement
par de l'argent anglais, battait son plein contre les troupes que Louis XVI avait fait venir
autour de Versailles et de Paris; on les présentait comme l'instrument d'un complot armé
contre l'Assemblée, alors qu'elles étaient tout simplement destinées à remplacer
les gardes françaises mutinées (cinq compagnies sur six)
et qu'elles avaient reçu l'ordre de ne point tirez sur le peuple !
Déjà l'Histoire était descendue dans la rue.
Les cabarets regorgeaient de gardes françaises annonçant qu'elles allaient déserter,
les officiers étaient partout hués et même les soldats des troupes appelées en renfort
(Royal-Allemand, régiments suisses, Provence-Infanterie, Dauphin Dragon )
étaient sollicités par le Palais Royal.
Aux désordres s'ajoutait la disette avec queues aux portes des boulangeries,
manifestation contre la mauvaise qualité du pain, violences contre les receveurs
de l'octroi,etc.
A lors, sentant la situation lui échapper, le roi crut devoir remplacer son ministre Necker
par des hommes réputés "à poigne".
Le 11 juillet, il créa un nouveau ministère sous l'autorité de Louis Charles Auguste
Le Tonnelier, baron de Breteuil, un ancien ministre d'Etat qui avait su s'attaquer
aux sociétés de pensée, mais le roi ne mesurait pas toutes les conséquences
du renvoi de Necker !
L'alliance de l'argent et de la Révolution.
Ce dernier n'était pourtant pas un génie; c'était à cause de ses indécisions
et de son imprévoyance que les Etats généraux avaient si mal tournés.
Mais vu l'absence de véritables hommes d'Etat, il jouissait d'une réputation surfaite
que même Mirabeau n'arrivait pas encore à entamer; il passait presque pour un dieu
auprès des rentiers et bien qu'il n'eût en rien résolu la crise financière, les agioteurs,
spéculateurs et banquiers avaient misé sur sa réussite.
Dès que la nouvelle du départ de l'dole fut connue à Paris le dimanche 12 juillet,
les agents de change furent les premiers à se réunir, à décider de fermer la Bourse
le lendemain et même,avec les banquiers, à descendre dans la rue.
Ces hommes qui n'aimaient pas le désordre et qui réclamaient la constitution
d'une garde bourgeoise dans l'espoir que celle-ci fermerait les clubs les plus turbulents,
ces bons "conservateurs" se retrouvaient au coude à coude avec les émeutiers professionnels !
" Les capitalistes, devait écrire Antoine de Rivarol,
voulaient que M.Necker
régnât pour les payer, qu'on essayât d'une révolution pour les payer,
que tout fût renversé pourvu qu'on les payât.
Ils aidèrent le peuple et l'assemblée à s'emparer de tout à condition que
tout serait conservé par eux."Le pouvoir de l'argent se substituait aux autorités naturelles:
c'est cela aussi, la Révolution !
Vers midi, tout Paris fut en ébullition.
Au Palais Royal où les arbres pliaient sous des grappes humaines, Camille Desmoulin,
un avocat bègue et un pilier de cabaret, monté sur une table, haranguait la foule
et prédisait:
"une Saint-Barthélemy des patriotes".Les boutiques d'armuriers furent dévalisées.
Un premier heurt eut lieu avec le Royal-Allemand commandé par Charles-Eugène
de Lorraine, puis l'émeute se porta aux Tuileries et sur la place
Louis XV (aujourd'hui "Concorde")
où les troupes furent bombardées de pierres et de tessons de bouteilles, tandis que
les gardes françaises désertaient, et faisaient feu sur le Royal-Allemand, forçant
celui-ci à se retirer sur la rive gauche.Puis la populace se porta sur la prison de la Force
et la nuit du 12 au 13 commença au son des tambours et du tocsin.
Besenval, commandant militaire de Paris, essaya de faire intervenir un régiment suisse,
mais il ne put rien faire dans Paris mal éclairé.
Cependant, des électeurs effrayés s'étaient rendus à l'Hôtel de Ville où ils avaient créé
un comité permanent sous la présidence de Jacques de Flesselles, prévôt des marchands.
Dès le lundi 13 à cinq heures du matin, alors que quarante barrières d'octroi venaient
d'être incendiées, ces électeurs tentèrent d'organiser une milice bourgeoise pour résister
aux débordements.Pendant qu'une partie des émeutiers pillaient le couvent Saint-Lazare,
saccageant les œuvres d'art, se déguisant d'habits sacerdotaux et s'enivrant dans
les caves, une trentaine en mourut,Flesselles tentait de résoudre la question des armes,
mais déjà la populace pillait le garde-meubles royal place Louis XV et s'emparait
d'un bateau contenant de la poudre au Port Saint-Nicolas.
Puis cette masse avinée se rua sur les Invalides où le gouverneur Charles François
de Virot, marquis de Sombreuil, ne put empêcher l'invasion de l'esplanade et des caves.
Ainsi furent enlevés douze canons et trente mille fusils.
Il fallait aussi de la poudre; on pensa en trouver à la Bastille, cette vieille forteresse
bâtie par Charles V en 1370, réputée imprenable, devenue prison d'Etat sous Richelieu,
et qui depuis lors n'ait jamais reçu comme prisonniers que des aristocrates fort
bien traités et fort bien nourris.On voit mal en quoi cette masse de pierre dont
Louis XVI lui-même envisageait la démolition prochaine, pouvait empêcher le "peuple"
de dormir...
Son gouverneur Bernard-René Jordan, marquis de Launay, disposait pour se défendre
de quatre-vingts invalides et de trente Suisses, mais, pour son malheur, il avait trop lu
les "Philosophes" : à ses yeux les émeutiers incarnaient l'homme à l'état de nature,
donc parfaitement bon, et il crut devoir traiter avec eux en homme du monde,
en homme "normal" comme dirait aujourd'hui François Hollande.
Dès l'arrivée du premier flot d'émeutiers, Launay ordonna de reculer les canons
pointés sur la rue Saint-Antoine et fit partager son petit déjeuner aux deux délégués
qu'il avait introduits très volontiers dans son salon.
Vers 10 heures, le ton monta: Launay jura qu'il ne tirerait que pour riposter.
En somme : MM.les émeutiers, tirez les premiers.
La cohue piaffait.
Tandis qu'elle grossissait sous les yeux amusés de Beaumarchais à sa fenêtre
avec une actrice, un coup de feu partit, et les choses se précipitèrent: des hommes,
à coups de haches et de pioches, cassèrent les chaînes du pont-levis.
Alors la horde envahit la cour du gouverneur, pilla les bâtiments, incendia
les appartements.
A l'extérieur les canons étaient mis en batterie et les déserteurs des gardes françaises
se joignirent aux assaillants.On enrôla tout ce qui bougeait : soldats, ivrognes, badauds,
et même garçons de quinze ans !
Dans un tel désordre les assiégeants se tuaient entre eux.
Les canons tirèrent six coups de feu qui n'ébréchèrent même pas la forteresse,
mais qui suffirent à entraîner la capitulation du pauvre Launay !
La Bastille n'avait subi aucune perte et les portes restaient intactes; malgré tout,
une demi-heure plus tard, Launay descendait ouvrir lui-même le portail du côté
d'un petit pont à un flot d'hommes en furie prêts à toutes les atrocités.
Ils assassinèrent quelques invalides et quelques Suisses, se saisirent de Launay,
le blessèrent d'un coup d'épée et l'emmenèrent vers l'Hôtel de Ville:
en chemin ils le massacrèrent et le jetèrent au ruisseau
(c'est bien la faute à Rousseau...), puis Desnos, garçon boucher qui
"s'y connaissait en viandes", lui coupa la tête, cette tête que, devait écrire Rivarol,
il avait
" perdue avant qu'on la lui coupât"...Jacques de Flesselles, s'étant porté
à la rencontre de ces sauvages ivres de meurtres, connut le même sort.
On mit des deux têtes sanglantes au bout de piques et on les escorta
jusqu'au Palais Royal:
- premier défilé du 14 juillet !
Et là on mit le feu le soir à toutes ces chairs et on farandola autour :
- premier bal du 14 juillet !
Le commencement de la Terreur.
Dans cette affaire minable et morbide, les Parisiens ne furent en rien partie prenante.
Le soir, les théâtres rouvrirent comme un jour ordinaire.
Le comble du ridicule est que tout ce sang versé aboutit à constater que
cette forteresse tant décriéé ne contenait en fait que sept prisonniers dorlotés
aux frais du roi :
- quatre faussaires : Bechade, La Corrège, Puyade et Laroche qui profitèrent
de l'aubaine pour s'esbigner;
- deux fous : Whyte et Tavernier, que la foule acclama mais qu'il fallut conduire
à Charanton,
- et un jeune débauché, le comte de Solages, enfermé à la demande de sa famille
qu'il déshonorait; on le présenta comme une victime de l'arbitraire royal,
on le promena de clubs en sociétés et il y alla partout de discours larmoyants
sur la "tyrannie" royale....
Les agents des loges maçonniques avaient enfin leur émeute; dans leur plan
celle-ci devait servir à intimider le roi et à démoraliser voire à terroriser
les autorités naturelles, afin de faire croire que le peuple entier voulait s'imposer
comme souverain et qu'aucun retour en arrière n'était plus possible.
Il s'agissait donc de transformer les crimes crapuleux de cette journée en actes
héroïques et de faire de la populace avinée l'expression de toute la nation
avide de "Liberté".
En guise de liberté on voulait surtout, faisant régner un climat de terreur,
conditionner les Français à êtres libres, libres non plus au rythme
de ces vieilles libertés naturelles, familiales, corporatrices, provinciales,
que protégeait le roi arbitre suprême, mais libres de la liberté de ces gens
sans foi ni loi, sans attaches et sans mémoire, qui se disaient
"vainqueurs de la Bastille"et sur lesquels la Révolution allait aligner toute la société en suppriment provinces
et corporations, en s'attaquant à la famille, à l'Eglise, à l'école.
Tout niveler pour qu'il ne restât plus que l'Etat...
Le 14 juillet marque à tout jamais la fin de nos libertés.Le prévôt des marchands étant occis, on s'empressa de nommer un maire qui fût
le représentant des idées révolutionnaires:
- Jean-Sylvain Bailly, l'homme du jeu de Paume.
Cette municipalité, totalement illégale, exigea que le roi vînt à Paris et la visite royale
du vendredi 17 juillet fut la journée la plus lamentable de l'histoire de la capitale.
Bailly, dans une atmosphère rigide et guindée, parla au roi comme à son égal,
lui présenta la cocarde tricolore (le blanc royal entre les deux couleurs de Paris);
Louis XVI la mit sans hésiter à son chapeau.
Ce fut alors, seulement, que fusèrent les cris de
"Vive le roi".
On avait tout programmé afin de doser les menaces et les marques d'affection,
afin de faire de Louis XVI, dont on cannaissait la grande bonté, le roi docile
de la Révolution.
Tandis qu'à Versailles la reine Marie-Antoinette rendait grâce à Dieu de voir revenir
son mari vivant,celui-ci pensait-il qu'il venait de gravir une marche de plus
vers l'échafaud ?
La France réelle en fut profondément troublée.
Le roi, explique Pierre Gaxotte, qui de tout temps était
"
le père auprès de qui on cherchait soutien et abri" venait de s'humilier,
"de reconnaître la suzeraineté de l'émeute, la sainteté de l'insurrection".
Tout un monde s'effondrait, la France dite moderne allait renier la France historique.
En rien le 14 juillet ne saurait être une fête pour nous.Nous laisserons ce jour-là les flonflons aux sodomites et à leurs souteneurs électoraux....
Michel Fromentoux.Source :
RIVAROL n° 3102,12 juillet 2013,page 11.
La tyrannie des-droits-de-l'homme :
http://politique.forum-actif.net/t16121-les-droits-de-l-homme-un-instrument-de-tyrannieBonne méditation....