Le livre de Kurt Rossa,
La peine de mort (Ed.Plon,1968)
Extrait de son livre de la page 103 à la page 106.
La chambre à gaz.
(...) ...,et ont fait surnommer la chambre à gaz "l'aquarium".
La comparaison est frappante lorsque les personnalités officielles et les journalistes,
soixante personnes lors de l'exécution de Caryl Chessman,se pressant autour des vitres.
Au milieu de la chambre de mort,il y a deux sièges massifs,en acier criblé de trous.
Un éclairage intense règne dans la cellule au moment d'une exécution.
Un matin à San Quentin.
Clinton T.Duffy,directeur de la prison de San Quentin (Californie),
nous a laissé cette description:
"Le matin du jour prévu pour l'exécution,le bourreau,qui est responsable de la partie
technique pour les exécutions à la chambre à gaz,reçoit deux livres de cyanure
de potassium délivrées par le Service des Armes et Munitions de la prison.
Muni du produit,il se rend dans une pièce séparée de la chambre à gaz.
Les préparatifs sont exactement les mêmes s'il y a une ou deux exécutions ce jour-là.
Le bourreau pèse soigneusement le cyanure,et remplit deux sacs de gaze qui reçoivent
chacun une livre du produit.
Les sacs sont ensuite fixés au moyen de crochets sous les deux sièges de la chambre à gaz,
en veillant à ce qu'ils restent suffisamment éloignés des récipients logés dans une cavité
du plancher.
Environ dix minutes avant que le condamné soit enfermé dans la chambre à gaz,
on verse environ un litre d'eau distillée dans les récipients qui recevront plus tard
la solution toxique.
Puis on ajoute de l'acide sulfurique à cette eau distillée.
Les récipients demeurent dans la pièce attenante à la chambre à gaz jusqu'au moment
précis où l'exécution doit avoir lieu.
Alors on vérifie soigneusement si la cabine en tôles d'acier est parfaitement étanche,
puis on va chercher le condamné dans sa cellule et on le conduit à la chambre à gaz.
On l'attache solidement sur l'une des chaises.
Un stéthoscope est fixé sur son thorax au moyen de courroies,et relié à un câble
de transmission qui traverse la paroi de la cabine grâce à une soupape étanche.
Les médecins présents peuvent ainsi contrôler les battements du coeur et fixer
l'heure exacte de la mort qui sera inscrite sur le procès-verbal.
"Le condamné est installé.Tous les préparatifs sont terminés.
La grosse porte d'acier a été fermée et verrouillée.
Le bourreau fait basculer un levier.Le système d'aspiration destiné à maintenir
dans la chambre à gaz une pression atmosphérique constante se met en route.
Ce dernier point est extrêmement important.
En effet,tout le déroulement pratique de l'exécution est conditionné
par la quantité d'air aspiré .
Les calculs en vue d'obtenir la plus grande efficacité du gaz reposent sur cette donnée.
Sur un signe du bourreau,l'un des aides qui se trouvent dans la pièce annexe
ouvre le robinet d'une conduite,et le mélange d'acide sulfurique et d'eau distillée
vient s'écouler dans le récipient placé au-dessous du siège du condamné.
Le robinet est alors refermé.
Pendant ce temps-là,le directeur de la prison continue de suivre le déroulement
des opérations.
Il est placé à la gauche du condamné,à l'extérieur de la paroi.
Un signe de la tête:le bourreau manoeuvre un autre levier.
Les sacs de gaze emplis de cyanure de potassium descendrent vers les récipients
où ils plongent dans la dilution d'acide sulfurique.
La réaction des deux substances dégage le gaz mortel, qui s'élève du sol et se mélange
à l'air respiré par le condamné.
L'ensemble de tout ce qui vient de se passer constitue l'exécution,et ne demande pas
plus de deux minutes.
"Afin que la mort soit la plus rapide et la moins pénible possible,le condamné est avisé
qu'il doit respirer aussi profondément qu'il peut,lorsqu'il voit le directeur faire un signe de tête.
Sans cette profonde inspiration,la perte de conscience n'interviendrait que plus tard,
et le condamné pourrait avoir un accès d'étouffement.
"Après une exécution à la chambre à gaz,l'enlèvement du cadavre s'effectue avec des soins
incomparablement plus méticuleux qu'après une pendaison.
Afin d'avoir la certitude absolue que la mort est intervenue,le corps est encore laissé
dans la chambre verrouillée trente minutes après que le coeur ait cessé de battre.
Puis les vapeurs toxiques sont chassées par une ouverture d'évacuation placée
sur le toit du bloc d'isolement,au Nord.
En même temps,de l'eau fraîche est envoyée dans les réservoirs placés sous les sièges,
et le mélange chimique s'écoule par des canalisations souterraines qui le conduisent
jusqu'à une anse de la mer.
"Une demi-heure doit encore s'écouler avant que les témoins puissent ouvrir
la porte d'acier et pénétrer dans la cabine sans mettre leur propre vie en danger.
Même à ce moment-là,des précautions sont encore nécessaires.
Avant de se saisir du cadavre,on pulvérise de l'ammonique sur lui,afin de neutraliser
les traces de toxiques qui auraient pu rester dans les plis des vêtements.
Ensuite,le corps est placé dans un cercueil de bois et déposé à la morgue de la prison,
où il reste jusqu'au jour de l'enterrement."Cette relation détaillée de Clinton T.Duffy y montre combien l'exécution
à la chambre à gaz est une affaire compliquée.
Malgré tous ces raffinements techniques,on ne peut pas toujours empêcher
qu'il se produise des complications,même si les pannes de ce genre ne sont pas ébruitées.
Un certain nombre d'inconvénients sont évidents:par exemple,
- la méthode n'est pas sans danger pour ceux qui ont à s'occuper de l'exécution.
Duffy n'a parlé que d'une seule cause de risques.
- Il faut noter enfin que l'apparition de la perte de connaissance et par suite la mort
sans souffrance exige la participation du condamné.
- S'il n'aspire pas profondément au moment où les premières bouffées de gaz toxique
montent vers lui,l'affaire tourne mal pour lui à l'approche de ses derniers moments,
et les spectateurs deviennent les témoins d'une terifiante agonie.
Un aumônier déclara après une exécution à San Diego:
"C'est la plus terrible chose que j'aie jamais vue,et pourtant j'ai assisté à 52 pendaisons"
Il s'agissait probablement là d'un exemple où le condamné ne s'était pas montré
suffisamment coopératif.