Hitler est né de l’odieux traité de Versailles
(
1)
- Les véritables causes de la première guerre mondiale
- Le traité de Versailles (1919) est fondé un énorme mensonge historique.
2
- L’article 231.
2
- Une thèse qui semblait bien établie.
2
- Une thèse qui se révèle fausse.
5
- Une faille relevée par les Allemands.
5
- Aucune preuve tangible.
5
- Des questions gênantes pour la thèse officielle.
6
- Une Allemagne qui n’était pas du tout prête en 1914.
6
- La France lève le masque en 1920.
7
- Le pangermanisme était un fantasme.
7
- Le panslavisme : vrai cause de la guerre de 1914.
7
- 1815 : la Russie devient impérialiste.
8
- La Russie tout d’abord malchanceuse dans les Balkans.
81870 : la Russie profite de l’affaiblissement du pouvoir ottoman.
8
- Défaite diplomatique du panslavisme.
9
- Les alliances se mettent en place.
9
- Imbroglio diplomatique.
9
- Premier signal d’alarme.
10
- Le conflit entre germanisme et panslavisme est désormais ouvert
10
- L’Allemagne engagée dans un engrenage fatal
11
- La Russie se rapproche de la France.
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- La France liée malgré elle aux panslaves.
11
- La France tente de se délier des panslaves.
12
- L’Allemagne se retrouve isolée diplomatiquement
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- Vers le triomphe du panslavisme.
12
- Les panslaves relèvent la tête.
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- L’Allemagne ne profite pas de la débâche russe face au Japon.
13
- Poussée panslave.
13
- L’Allemagne tente, en vain, de rompre l’isolement diplomatique.
14
- La création de l’organisation panserbe Narodna Odbrana.
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- L’Autriche annexe la Bosnie-Herzégovine.
15
- Les panslaves veulent provoquer la mobilisation allemande.
16
- La crise de juillet 1911.
16
- La démission de J. Caillaux réjouit les panserbes.
16
- Un événement capital : la Serbie et la Bulgarie se lient secrètement
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- R. Poincaré déclare que l’alliance serbo-bulgare mènera à la guerre.
17
- La Bulgarie et la Serbie attaquent la Turquie.
18
- L’Autriche provoquée.
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- L’Allemagne agit pour la paix.
18
- Les appétits des panslaves provoquent un deuxième conflit balkanique.
19
- La Serbie grande gagnante du conflit
19
- Les panslave veulent en finir avec l’Autriche.
19
- L’Autriche veut, en vain, déclencher une guerre préventive contre la Serbie.
20
- Loin d’être agressive, l’Allemagne veut uniquement parer les dangers.
20
- La Serbie et la Russie guettent l’occasion favorable.
20
- La Serbie et la Russie réarment à grande vitesse.
21
- Tout est en place pour la liquidation de l’Autriche.
21
Le traité de Versailles (1919) est fondé un énorme mensonge historique.
L’article 231 Physiquement,Hitler est né de Klara Polzl, le 20 avril 1889 à Braunau-sur-Inn
(Autriche), Vorstadt 219.
Mais tout cela ne nous intéresse pas. Rappelons d’ailleurs qu’Adolf Hitler
a une parenté très embrouillée : son père, Aloïs Schicklgruber, avait pris
le nom d’Hitler en 1877, dans sa quarantième année, lors d’une légitimation
aussi tardive que suspecte et contraire à la loi. [
1]
Quant à sa mère, elle était, légalement au moins , la nièce d’Aloïs,
elle avait été sa servante et sa maîtresse et s’était retrouvée enceinte
alors que la seconde épouse du géniteur était encore en vie…
Ce qui nous intéresse, c’est Adolf Hitler en tant qu’homme politique.
Celui-ci est né le 28 juin 1919 en France, à Versailles, lors de la signature
du fameux traité qui consacrait la défaite de l’Allemagne et d’un l’un des auteurs principaux
était le germanophobe André Tardieu. [
2]
Mais dire cela n’est pas suffisant, car certains seront alors tentés de voir dans Hitler
une créature de l’esprit « revanchard » :
« les Allemands, diront-ils, n’avaient pas accepté leur défaite, ils se sont donc
choisis un homme qui allait leur permettre de “se revancher” ».
Quand on rappelle qu’Hitler est venu au monde à Versailles, il faut préciser :
c’est l’article 231 du traité qui l’a fait naître.
Cet article commençait la partie VIII intitulée : « Réparations ».
Il s’énonçait ainsi :
ART. 231.
Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que
l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes
les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés,
qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés. En juin 1919, donc, les vainqueurs contraignirent les vaincus à reconnaître
non seulement leur défaite militaire, mais aussi leur responsabilité entière
dans le déclenchement de la guerre.
Et cette reconnaissance allait servir à justifier les réparations exorbitantes
exigées notamment de l’Allemagne (nous y reviendrons).
Une thèse qui semblait bien établie.
Il est vrai que la thèse de la responsabilité entière austro-allemande semblait
bien établie. En France, elle avait été répétée, martelée même, pendant
toute la durée du conflit. Des politiciens, des universitaires, des hommes de lettres,
des religieux même avaient contribué à la répandre.
Simple exemple parmi tant d’autres, en 1915, la Librairie Armand Colin
avait publié une petite brochure d’une soixantaine de pages intitulée :
Qui a voulu la guerre ? Les origines de la guerre d’après les documents
diplomatiques.
D’un prix modique (50 centimes), elle avait été rédigée par deux professeurs
à l’Université de Paris, É. Durkheim et E. Denis, ce qui lui donnait un aspect
de sérieux et d’impartialité.
Les arguments développés par les propagateurs de cette thèse étaient très
nombreux, qui accusaient l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie : à la base,
disait-on, se trouvait le désir, fou , de constituer un Grand Empire Allemand
qui irait de Dantzig à Bagdad et, ainsi, de dominer le monde.[
3]
Mais pour cela, l’Allemagne devait affaiblir durablement ses deux rivales,
la France et la Russie, et l’Autriche devait atteindre Salonique afin de régner
sur tous les Balkans ; or, elle ne pouvait l’atteindre qu’en écrasant la Serbie,
« le seul obstacle sérieux à ce grand dessein » ; alors :
- d’un bond, on sera à Salonique, en face de Suez, le grand débouché de l’Asie :
de Hambourg à Bagdad, par les Balkans soumis à l’hégémonie allemande
et austro-allemande, par la Turquie, où l’influence allemande était prépondérante,
le grand tronc impérial allemand traverserait une succession ininterrompue
de pays allemands ou vassaux de la colossale Allemagne. [
4]
Telle était, disait-on, le dessein de base.
La preuve en était apportée par les initiatives prises depuis vingt ans du côté
du bloc austro-allemand :
- l’Allemagne ne s’était-elle pas lancée dans l’armement naval en 1898
avec le premier projet von Tirpitz qui prévoyait la construction de 25 cuirassés
et 47 croiseurs avant 1904,
- puis en 1900, avec le deuxième projet von Tirpitz encore plus audacieux ?
N’avait-elle pas :
- laissé se développer, à partir de 1891, la très active « ligue pangermaniste »
qui rêvait de domination mondiale ?
- cru pouvoir déclarer la guerre à la France avec le « coup de Tanger » en mars 1905 ?
- organisé, en novembre 1909, des manœuvres militaires durant lesquelles
des dirigeables avaient simulé l’attaque d’une forteresse, démontrant ainsi
des projets agressifs ?
- provoqué une deuxième fois la France en envoyant une canonnière mouiller
devant le port d’Agadir le 1er juillet 1909 ?
- organisé des manœuvres navales impressionnantes devant l’île d’Héligoland
(récemment fortifiée) en septembre 1912 ?
- promulgué une loi accélérant le réarmement le 3 juillet 1913 ?
- signé un accord militaire avec la Turquie le 28 octobre 1913 ?
De son côté, son alliée l’Autriche n’avait-elle pas démontré sa volonté expansionniste
aux dépens des Slaves en durcissant sa politique de germanisation de la Bohême
et de la Moravie à partir de 1899 ?
N’avait-elle pas tenté d’asphyxier économiquement la Serbie en 1906 en rompant
l’accord commercial qui la liait à Belgrade et en fermant ses frontières ?
N’avait-elle pas annexé la Bosnie-Herzégovine en octobre 1908 ?
Mais surtout, la chronologie officielle de la crise de juin-août 1914 semblait
confirmer la préméditation austro-allemande :
- 28 juin : assassinat de l’archiduc François-Ferdinand ;
- 5 juillet : Guillaume II demande au général von Falkenhayn, ministre de la guerre,
de prendre les mesures préparatoires à un conflit ;
- 23 juillet : ultimatum « inacceptable » de l’Autriche à la Serbie ;
- 25 juillet : la Russie se déclare solidaire de l’indépendance serbe menacée
par l’Autriche-Hongrie ; l’Angleterre propose en vain à l’Allemagne sa médiation ;
- 28 juillet : l’Autriche déclare la guerre à la Serbie ;
- 29 juillet : des navires de guerre autrichiens descendant le Danube et la Save bombardent Belgrade ; la Russie, en même temps soucieuse de protéger son alliée
serbe et de ne pas jeter le l’huile sur le feu, mobilise partiellement ;
- 29-30 juillet : l’Angleterre tente une ultime médiation.
L’Allemagne rejette ces propositions.
La Russie exige, avant toute négociation, l’arrêt des hostilités austro-serbes ;
- 30 juillet : la Russie mobilise.
- 31 juillet : Ce qui provoque de la part de Berlin l’envoi d’un ultimatum à la Russie
la sommant de démobiliser.
- 1er août : l’Allemagne déclare la guerre à la Russie et procède à la mobilisation
générale.
- 2 août : en réponse, la France mobilise à son tour.
- 3 août : l’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.
- 4 au 13 août : la mécanique des alliances entraîne la généralisation de la guerre.
Tout, dans cette chronologie, accusait l’Autriche et l’Allemagne :
- l’ultimatum inacceptable du 23 juillet, la déclaration de guerre du 28
et le refus allemand de négocier...
Voilà pourquoi prenant la parole à l’ouverture de la Conférence des préliminaires
de paix, le 19 janvier 1919, le Président de la République française
Raymond Poincaré lança :
"Besoin n’est pas d’informations complémentaires ou d’enquêtes exceptionnelles
pour connaître les origines du drame qui vient d’agiter le monde.
La vérité, toute couverte de sang, s’est déjà évadée des archives impériales.
La préméditation du guet-apens est aujourd’hui clairement démontrée.
Dans l’espoir de conquérir d’abord l’hégémonie européenne, et bientôt la maîtrise
du globe, les Empires du centre, rivés l’un à l’autre par une secrète complicité,
ont inventé les prétextes les plus odieux pour tâcher de passer sur le corps
de la Serbie et se frayer un chemin vers l’Orient. En même temps, ils ont renié
les engagements les plus solennels pour pouvoir passer sur le corps de la Belgique
et se frayer un chemin vers le cœur de la France.
Voilà les deux inoubliables forfaits qui ont ouvert la voie à l’agression.
Les efforts combinés de l’Angleterre, de la France et de la Russie, se sont brisés
contre cette folie d’orgueil.
Si, après de longues vicissitudes, ceux qui voulaient régner par le fer ont péri
par le fer, ils n’ont à s’en prendre qu’à eux.
C’est leur aveuglement qui les a perdus". [
5]
Une thèse qui se révèle fausse.
Une faille relevée par les Allemands.
Ce discours pouvait toutefois surprendre, au moins sur un point :
- R. Poincaré qualifiait de « prétextes les plus odieux pour tâcher de passer
sur le corps de la Serbie » l’assassinat, par un terroriste serbe, de l’archiduc
François-Ferdinand, neveu et héritier présomptif de l’empereur François-Joseph.
C’était faire preuve de légèreté. Depuis longtemps, d’ailleurs, les Allemands
condamnaient cette façon de minimiser le geste du terroriste serbe.
Dans une réponse à des catholiques français publiée en 1915, on lisait :
"[…] comme dans presque toutes les publications de nos adversaires, nous retrouvons
le même phénomène, assez singulier d’ailleurs : le crime de Sarajevo et la culpabilité
de la Serbie passent pour ainsi dire inaperçus. L’héritier d’un grand Empire,
caractère chevaleresque, catholique fervent et fidèle, tombe avec son épouse
sous les coups d’assassins serbes, victime sur son propre territoire d’une conjuration
dont les membres sont des fonctionnaires serbes également en plein exercice.
On serait tenté de supposer que, justement dans un ouvrage rédigé par
des catholiques, la plus vive réprobation devrait éclater contre ce crime monstrueux
et contre l’État complice. Il n’en est rien !" [
6]
Aucune preuve tangible.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que, par la suite, les accusateurs de l’Allemagne
et de l’Autriche allèrent plus loin. Reprenant un vieux mensonge serbe de 1916
(voy. l’exposé d’Henri Pozzi), ils prétendirent que, selon toute probabilité,
l’attentat du 28 juin 1914 avait été commandité par les autorités austro-hongroises.
Dans un article du prince Wladimir Chika publié en avril 1921, on lisait :
"Tout était préparé de longue main pour susciter les événements dont l’assassinat
de l’archiduc fut l’occasion ou le prétexte.
Rien de sérieux n’a été fait pour prévenir un tel drame ; tout, au contraire,
semble avoir été disposé pour qu’il se produisît.
Des attentats truqués l’ont précédé où se reconnaissent les procédés ordinaires
des dirigeants politiques d’un pays où l’on n’hésite pas à se servir d’agents
provocateurs et de faux témoins" (voir le procès d’Agram)[
7].
Plus loin, cependant, l’auteur avouait qu’il ne disposait d’aucune preuve tangible
pour étayer ses accusations :
"Cet incident, si bien fait pour le but qu’on voulait atteindre, a-t-il été voulu,
directement organisé, selon une version que l’on pourrait qualifier de romantique ?
On ne saurait encore l’affirmer, et il faut nous en tenir aux propositions que
nous indiquâmes au début de cet article, jusqu’à ce qu’une preuve plus positive
de culpabilité nous soit fournie" [Id.].
Bref, il n’y avait rien que des constructions mentales.
Mais la manœuvre était révélatrice : elle démontrait que l’affirmation selon
laquelle l’attentat aurait été un « odieux prétexte » pour l’Autriche était irrecevable,
car l’assassinat d’un héritier au trône d’un gigantesque empire n’est pas un vol
à l’étalage.
Dès lors, les chantres de la préméditation austro-allemande n’avaient plus le choix :
- puisqu’il était impossible de nier qu’un terroriste serbe avait fait le coup,
il fallait démontrer , et les Serbes l’avaient compris dès 1916 , que l’assassin
avait été manipulé…
Des questions gênantes pour la thèse officielle.
Cela dit, revenons au discours de R. Poincaré.
Outre la légèreté avec laquelle il traité l’assassinat de l’archiduc, le Président
français éludait deux questions capitales :
- si, vraiment, l’Allemagne et l’Autriche avait voulu la guerre ;
- si elles avaient comploté pour la faire éclater, attendant le premier prétexte
pour prendre les armes :
- pourquoi l’Allemagne n’avait-elle pas mobilisé dès le 23 juillet
(lorsque l’Autriche avait déclaré la guerre à la Serbie) et attaqué deux jours
plus tard (quand la Russie avait manifesté sa volonté de protéger l’indépendance serbe) ?
Pourquoi avait-elle ainsi perdu six précieux jours, laissant à ses adversaires
le temps de se concerter et de s’organiser ?
Et surtout :
- pourquoi l’Autriche n’avait-elle pas, de son côté, préparé la guerre, à tel point
qu’en août 1914, avec une population comparable à celle de la France,
elle n’avait pu mobiliser que 2,3 millions d’hommes, pendant que la France,
elle, allait en mobiliser 3,8 millions ? [
8]
Une Allemagne qui n’était pas du tout prête en 1914.
De plus, à supposer que l’Allemagne ait voulu dominer l’Europe puis le monde,
elle aurait dû travailler depuis des années à s’entourer d’alliés sûrs ; au moins pour,
dans un premier temps, rassurer l’étranger, voire l’endormir.
Or, elle vit l’Italie s’éloigner irrémédiablement d’elle en 1900 et, en 1901,
elle ne donna pas suite à l’offre anglaise de défense commune.
La France, elle, en profita ; elle conclut en accord secret avec l’Italie (1902)
et, six ans après Fachoda, elle signa avec Londres l’Entente cordiale (8 avril 1904).
Les tentatives de rattrapage effectuées en 1906, 1907 et 1911 par Guillaume II
lorsqu’il rencontra le roi d’Angleterre Édouard VII puis son successeur George V
se soldèrent par un échec. Comme l’a rappelé Pierre Benaerts en 1939 :
L’Allemagne de Guillaume II avait manqué tous ses buts diplomatiques et provoqué,
au contraire, une coalition d’autres Puissances [
9].
Si bien qu’à la veille de la guerre :
l’Allemagne était systématiquement et complètement encerclée, isolée.
Il ne lui restait plus que l’Autriche, considérée par [ses] adversaires
comme un corps agonisant, dénué de toute force sérieuse. [
10]
A cette époque, il n’y avait plus que le cardinal Rampolla pour parler
d’une Allemagne qui aurait eu « la supériorité diplomatique »[
11].
Dans ces conditions, vouloir conquérir l’Europe et le monde par les armes aurait
été une folie pure.
Voilà d’ailleurs pourquoi, contrairement à ce qui a été dit
(et à ce que l’on répète encore), l’Allemagne ne réarmait pas en vue
d’une guerre agressive.
Les plans von Tirpitz démontraient uniquement que, pour pallier
sa faiblesse coloniale, l’Allemagne désirait devenir une puissance maritime.
Quant aux grandes manœuvres des années 1909-1913, elles constituaient
des mesures normales à une époque où tout le monde réarmait et où le progrès
technique entraînait des réorganisations au sein des armées.
Dans ses mémoires, Franz von Papen, qui avait travaillé au Grand État-Major
allemand à partir de 1911, écrit :
"Je n’étais alors qu’un petit rouage dans une immense machine, mais je dois dire
qu’à mon échelon d’observation, je ne voyais, dans l’activité du Grand État-Major,
rien qui eût pu hâter la grande conflagration. Au contraire, notre connaissance
des effets des armes modernes et de l’envergure des préparatifs militaires dans
la plupart des pays d’Europe nous rendaient bien plus anxieux de sauvegarder la paix
que ne l’étaient certains hommes politiques" [
12].
La France lève le masque en 1920.
Ajoutons enfin qu’en 1920, lors du procès de Joseph Caillaux devant
la Haute-Cour, la France leva le masque en accusant l’ancien président
du Conseil d’avoir (involontairement) aidé l’Allemagne dans ses tentatives
de conclure la paix.
Les accusateurs produisirent notamment un témoin à charge, l’abbé Delsor,
qui, au printemps 1916, siégeait au Reichstag comme député de l’Alsace annexé.
Il rapportait qu’à cette époque, le représentant du gouvernement allemand
avait déclaré lors d’une séance secrète de la Commission du budget avait déclaré :
« D’ici à l’automne, il y aura en France un changement de gouvernement.
M. Caillaux reviendra au pouvoir et ce sera la paix. M. Caillaux est notre homme »[
13].
Preuve que, plongée dans une guerre qu’elle n’avait pas voulue, l’Allemagne aspirait
à la paix sans vainqueur ni vaincu… tout comme le Pape d’ailleurs.[
14]
Or, rappelons qu’au moment d’entrer en guerre du côté des alliés,
le 26 avril 1915, l’Italie dut signer un traité secret dont l’article 15 était le suivant :
"La France, la Grande-Bretagne et la Russie s’engagent à soutenir l’Italie en vue
de ne pas permettre aux représentants du Saint-Siège d’entreprendre aucune
démarche diplomatique tendant à la conclusion de la paix ou au règlement
de questions se rattachant à la présente guerre". [
15]
Le pangermanisme était un fantasme.
En vérité, les chantres de la thèse de la préméditation austro-allemande avaient,
comme d’habitude, bâti leur démonstration en éclairant la moitié de la scène
et en laissant dans l’ombre des événements importants voire capitaux.
Eux qui, à l’aide de cartes inquiétantes, ne cessaient de brandir la menace
« pangermaniste », ils oubliaient de dire qu’en Allemagne, cette ligue regroupait
vingt mille personnes environ, sur une population de plusieurs dizaines de millions
de personnes.[
16]
Dès 1915, d’ailleurs, des Allemands avaient tenu à rappeler que le pangermanisme
n’avait jamais pénétré les milieux gouvernementaux :
" De temps à autre, il est vrai, quelque pangermaniste à l’esprit peu lucide,
baptisé du nom d’impérialiste, a pu manifester le désir d’une plus grande Allemagne ;
mais jamais pareilles utopies n’ont trouvé accès dans les milieux dirigeants
de notre politique".[
17]
Mais surtout, les chantres de la thèse de la préméditation austro-allemande
oubliaient d’évoquer une menace bien plus réelle, qu’ils avaient soutenue
volontairement ou non, le « panslavisme ».
Ainsi véhiculaient-ils une histoire d’Europe mensongère à cause des omissions
dont elle était truffée. Et aujourd’hui encore, la plupart des manuels d’Histoire
passent sous silence l’action panslaviste dans les années 1850-1914.
Qu’on me permette donc, ici, de combler cette lacune importante, en revenant
aux origines et en décrivant le développement du chauvinisme slave jusqu’à
la déflagration d’août 1914.
Le panslavisme : vrai cause de la guerre de 1914.
- 1815 : la Russie devient impérialiste.
A partir de 1815, la Russie, militairement forte, avait mené des entreprises d’expansion.
Au sud-est, elle avait tout d’abord étendu sa domination sur la région des Kazakhs,
le territoire de l’Amour et Sakhaline (1816-1856).
Puis elle avait conquis le Kokand (partie de l’Ouzbékistan) et pénétré en Mandchourie
et en Corée (1856-1876). Enfin, elle avait soumis les Turkmènes et les Tadjiks,
à la frontière de l’Afghanistan (1877-1900).
La Russie tout d’abord malchanceuse dans les Balkans.
Dans les Balkans, alors sous domination ottomane, les Russie avait également œuvré ;
non seulement parce que les sujets turcs étaient des Slaves orthodoxes, mais aussi
parce qu’elle voulait s’emparer de Constantinople, ce qui lui aurait assuré un accès
à la mer Méditerranée (voir la carte).
Toutefois, ses premières entreprises avaient globalement échoué, tout d’abord
parce ce qu’en Europe, la France, la Prusse et l’Autriche nourrissaient également
des ambitions impérialistes dans les Balkans.
Ensuite, parce que l’Angleterre, qui voulait protéger la route des Indes,
était fermement opposée à tout expansion russe…
Voilà pourquoi la Russie n’avait pu profiter des conquêtes danubiennes et
de la destruction de la flotte turque sur la mer Noire en 1853 :
- la France et la Grande-Bretagne avaient réagi en envahissant la Crimée
et en contraignant le Tsar à signer l’humiliant traité de Paris (30 mars 1856).
Celui-ci interdisait aux Russes de garder leur flotte en mer Noire et de conserver
les bases sur ses côtes. De plus, il garantissait l’indépendance de la Moldavie
et de la Valachie, deux provinces roumaines.
1870 : la Russie profite de l’affaiblissement du pouvoir ottoman.
Dans les années 1870, cependant, l’affaiblissement du pouvoir ottoman
et les événements en Europe allaient permettre à la Russie d’agir avec plus
de réussite.
Profitant de la guerre franco-allemande et des ennuis de la France,
le Tsar dénonça le traité de Paris en octobre 1870.
La remilitarisation de la mer Noire par les Russes fut admise le 13 mars suivant
lors de la signature du traité de Londres.
En
1872, une première révolte des sujets bulgares survint
(carte des Balkans avant 1914).
Bien qu’elle ait été finalement matée et que le meneur, Vasil Levsli,
ait été arrêté puis pendu (le 6 février 1873), ce premier soulèvement
allait marquer le début de l’effondrement de l’empire ottoman dans les Balkans.
- Le 13 janvier 1874, la Russie réforma en profondeur son armée en s’inspirant
du modèle prussien et en instaurant le service militaire obligatoire.
- Le 29 juillet 1875, les paysans d’Herzégovine se soulevèrent contre l’autorité
ottomane dans une affaire d’impôts.
Rapidement, la rébellion gagna la Bosnie puis le Monténégro.
Des massacres furent perpétrés de part et d’autre.
- Le 16 septembre, le nouveau chef du comité révolutionnaire bulgare,
Christo Botev, lança une insurrection à Stara Zagora.
Elle fut durement réprimée par les Ottomans.
Afin de calmer le jeu, le pouvoir turc promit de mener une politique
plus libérale, garantissant la liberté de culte, la possibilité pour les paysans
d’acheter les terres qu’ils cultivaient etc.
- Mais le 20 avril 1876, une nouvelle révolte armée éclata en Bulgarie.
Dans le cadre de la répression, les armées ottomanes perpétrèrent
de nombreux massacres (à Batak, par exemple) qui firent de 10 à 15 000 victimes.
- Le 2 juillet 1876, la Serbie et le Monténégro déclarèrent la guerre au sultan
ottoman après que Constantinople eut refusé de céder à la première la Bosnie
et au deuxième l’Herzégovine. Comme par hasard, l’armée serbe était commandée
par un officier… russe, le général Tchenaiev.
Celle-ci fut cependant défaite par les Turcs en août devant la ville d’Alexinac.
-Mais le 31 octobre, le Tzar adressa un ultimatum au sultan :
-si, dans les 48 heures, Constantinople ne signait pas un armistice avec la Serbie
et le Monténégro, la Russie entrerait en guerre.
Le sultan s’inclina et, le 23 décembre, un armistice fut signé.
Afin de régler les problèmes balkaniques, une conférence internationale s’ouvrit
à Constantinople le 20 février 1877.
Les Ottomans ayant refusé d’accéder aux exigences des Européens,
- le 19 avril, la Russie déclara la guerre à la Turquie.
Attaquant à l’ouest par les Balkans et à l’est par le Caucase, les armées russes
balayèrent les garnisons ottomanes avant toutefois d’être stoppées au col de Chipka
et à Pleven.
- Mais en décembre 1877, elles forcèrent le passage, puis déferlèrent
sur la Bulgarie (janvier 1878), avant de s’emparer d’Édirne (le 20 janvier)
et d’atteindre Rodosto (le 30 janvier), à 100 km seulement de Constantinople.
- Le 31 janvier, un armistice fut signé à Édirne.
Malgré cet armistice, les Russes étaient résolus à continuer leur offensive.
-Mais la 15 février, la flotte anglaise prit position devant Constantinople
pour amener le tzar à cesser l’offensive.
-Le 3 mars, la signature du traité de San Stefano.
Certes, la Russie n’avait pas entièrement profité de sa victoire,
mais elle obtint : l’indépendance de la Roumanie, de la Serbie
et du Monténégro ;la création d’une principauté bulgare autonome ;
l’introduction de réformes profondes en Bosnie, Herzégovine,
Épire et Thessalie ; l’annexion par la Russie de la Dobroujda et du delta du Danube.
Défaite diplomatique du panslavisme.
La victoire du panslavisme russe fut cependant de courte durée.
L’Angleterre voyait d’un mauvais œil l’hégémonie russe dans la région ;
l’Autriche s’estimait flouée et mobilisa ses troupes ; quant aux pays balkaniques,
et plus particulièrement la Serbie, ils étaient mécontents car aucun n’avait bénéficié
de gains territoriaux.
Face à la fronde, Bismarck obtint la réunion d’une conférence internationale
à Berlin. Celle-ci eut lieu du 15 juin au 14 juillet 1878.
Elle fut une défaite pour le panslavisme aussi bien russe que serbe, puisque,
finalement, la Russie obtint uniquement la Bessarabie (la Dobroujna ayant été
donnée à la Roumanie en guise de dédommagement) et la Serbie seulement
les villes de Pirot et de Nisch.
Quant à la Bulgarie, elle fut bien élevée au rang de principauté autonome,
mais amputée au sud de la Macédoine et de la Roumélie orientale, celle-ci
demeurant sous domination ottomane.
Dans les faits, le pays restait un vassal de la Turquie. Enfin, la Bosnie
et l’Herzégovine restaient des territoires turcs mais leur administration
était confiée à l’Autriche. Bref, la conférence de Berlin avait réduit à néant
les espoirs slaves de constituer une confédération d’États forts.
Les alliances se mettent en place.
Imbroglio diplomatique.
Les conséquences ne se firent point attendre.
Le 15 août 1879, le tzar Alexandre II écrivit à l’empereur allemand
pour se plaindre de l’attitude de Bismarck lors de la crise russo-ottomane.
La Russie s’éloigna ainsi de l’Allemagne, rompant de fait l’alliance entre
les trois empereurs (Russie, Allemagne et Autriche) qui avait été conclue
quelques années plus tôt.
En réaction, Bismarck signa avec Vienne un accord militaire secret, la Duplice.
Il s’agissait d’une alliance défensive en cas d’agression d’un des deux pays
par une coalition franco-russe.
En
1881, toutefois, la situation changea radicalement :
-le 13 mars, Alexandre II fut assassiné par un révolutionnaire.
Son fils, Alexandre III, revint sur la politique anti-autrichienne, ce qui permit
un renouvellement de l’alliance des trois empereurs, le 18 juin suivant.
Dix jours plus tard, eut lieu un événement très important :
-un traité secret fut signé entre l’Autriche et la Serbie.
Alors que cette initiative semblait sceller l’amitié germano-slave pour le plus
grand bien de la paix, elle allait en réalité nourrir le panslavisme et, ainsi,
précipiter le monde à la catastrophe.
Le 6 janvier 1882, fort de cette alliance secrète, le prince Milan Obrtenovic
érigea la Serbie en royaume totalement indépendant.
En septembre, les premières élections furent organisées, qui donnèrent
la victoire aux radicaux, face aux libéraux et aux conservateurs.
Premier signal d’alarme.
Trois ans plus tard, un premier signal d’alarme retentit :
- depuis plusieurs années, la Bulgarie était devenue une puissance dans la Balkans ;
le 20 septembre 1885, l’entrée triomphale du prince Alexandre de Battenberg
à Plodiv avait officialisé sa réunion définitive (rappelons qu’au traité de Berlin,
le pays avait été amputé au sud).
Cette montée en puissance ne plaisait ni au tzar, ni à la Serbie qui voyait
s’éloigner ses espoirs de servir de point de ralliement pour tous les Slaves
des Balkans.
Dès lors, les événements s’enchaînèrent : l’entrée triomphale d’Alexandre
à Plodiv provoqua un violent conflit entre le Bulgarie et la Serbie.
Les deux pays mobilisèrent. A cette époque, l’armée bulgare était encadrée
par des officiers russes. Mais alors que la mobilisation battait son plein, le Tzar
ordonna à ses officiers de… rentrer immédiatement au pays.
Cet abandon soudain profita aux Serbes dont les armées parvinrent
à 40 km de Sofia.
Toutefois, des erreurs commises par l’état-major permirent à la Bulgarie
de redresser la situation:le 5 novembre, les armées serbes furent battues à Slivinitza.
Cette défaite provoqua un ultimatum de l’allié autrichien ; Vienne exigea la tenue
d’une conférence internationale afin d’avaliser la nouvelle situation.
Celle-ci se tint à Constantinople ; la réunion de la Bulgarie fut acceptée ainsi
que sa constitution en un État totalement indépendant.
- Le 3 mars 1886, la paix serbo-bulgare fut signée. Bien que cette aventure
n’ait guère profité à la Serbie, celle-ci avait clairement exprimé sa volonté
de devenir le centre d’une grande confédération slave, même s’il fallait, pour cela,
recourir à la violence. En outre, elle savait désormais pouvoir compter
sur l’appui russe pour la seconder dans ses entreprises…
La preuve en fut d’ailleurs très rapidement apportée : en Bulgarie, le champion
de l’indépendance et de la puissance nationale, le prince Alexandre, fut l’objet
de la vindicte des éléments pro-russes disséminés dans l’armée et
dans l’administration.
- Le 8 août, il fut arrêté lors d’une tentative de coup d’État et poussé à abdiquer.
L’action échoua, car un triumvirat reprit le pouvoir à partir de Plodiv
et rappela le prince. Mais immédiatement, la Russie découvrit son jeu et lança
un ultimatum. Alexandre s’inclina et abdiqua.
-C’était le 7 septembre 1886.
Le conflit entre germanisme et panslavisme est désormais ouvert.
Pourtant, le panslavisme échoua là encore :
6en décembre 1886, des élections donnèrent la majorité aux nationalistes hostiles
à la Russie. Cette victoire permit au gouvernement provisoire de choisir
un nouveau prince ami de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie :
- un officier de l’armée hongroise répondant au nom de Ferdinand
de Saxe-Cobourg-Gotha.
Mais le conflit entre le slavisme et le germanisme était désormais ouvert.
Voilà d’ailleurs pourquoi le 20 février 1887, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie
renforcèrent leurs liens dans une alliance secrète désormais appelée Triplice.
Deux ans plus tard, le nouvel empereur d’Allemagne, Guillaume II, se rendit
à Constantinople où il obtint pour un groupe ferroviaire allemand la construction
de lignes reliant trois grandes villes turques.
Au-delà de l’aspect économique, cette visite avait une connotation géopolitique évidente : soucieuse de prévenir le danger panslaviste, l’Allemagne cherchait
des alliés…
L’Allemagne engagée dans un engrenage fatal.
Le 27 mars 1890, survint un nouveau fait important :
- l’Allemagne refusa de renouveler le « traité de contre-assurance » avec la Russie.
Par ce traité, signé en 1887, les deux empires s’engageaient à la neutralité
en cas de conflit austro-russe ou franco-allemand.
- Pourquoi ce refus, alors que Guillaume II était favorable à cette entente
germano-russe ?
- Tout simplement parce que, comme le fit alors remarquer le nouveau chancelier
allemand Léo Caprivi, cet engagement à la neutralité en cas de conflit autro-russe
était en contradiction totale avec la Triple-Alliance (Triplice).
Il l’était d’autant plus qu’un protocole additionnel ultrasecret reconnaissait
les intérêts russes en Bulgarie, alors que ces intérêts s’opposaient radicalement
à ceux de l’allié autrichien.
D’où un gouvernement allemand contraint de ne pas renouveler le traité.
Pour la première fois, ainsi, l’Allemagne se trouvait prise dans l’engrenage fatal
où l’avait entraîné la menace panslaviste :
- elle n’était plus véritablement maître de sa politique.
La Russie se rapproche de la France.
Comme on pouvait s’y attendre, le tzar réagit à ce refus en se tournant
vers la France.
Depuis 1888, des emprunts russes avaient été introduits à la Bourse de Paris.
En août 1890, le sous-chef de l’état-major français, le général de Boisdeffre,
assista aux grandes manœuvres de l’armée russe.
Bien qu’aucun traité militaire n’ait alors été signé, la voie était désormais ouverte
à une large collaboration. Une première concrétisation survint le 27 août 1891,
lorsque le tsar ratifia un premier accord secret d’alliance entre la Russie et la France :
- les deux pays s’engageaient à se concerter en cas de conflit européen.
Un an plus tard, le 17 août 1892, un nouveau pas fut franchi :
- à Saint-Pétersbourg, le général de Boisdeffre signa avec son homologue
russe Obroutcheff
une première convention militaire secrète.
Celle-ci prévoyait la mobilisation générale des deux partenaires en cas
de mobilisation d’un des membres de la Triplice et, en cas d’agression,
l’intervention immédiate des troupes.
De plus, les deux pays s’engageaient à ne pas signer de paix séparée.
La France liée malgré elle aux panslaves.
Pour la France, cette convention était naturellement tournée contre l’Allemagne.
Pour le tsar (qui attendra 17 mois avant de la ratifier), elle devait servir
à s’opposer à l’Autriche-Hongrie. Mais l’important était ailleurs :
- en signant avec la Russie un accord de mobilisation automatique en cas
de conflit autro-russe, la France était, bien involontairement, certes,
montée dans la barque du panslavisme.
On devine d’ailleurs aisément la satisfaction des panslavistes lorsque,
le 13 octobre 1893, la flotte russe reçut un accueil triomphal à Toulon…
- Le 1er novembre 1894, Nicolas II, alors âgé de 26 ans, succéda à Alexandre III
et devint tzar de toutes les Russies. Le début de son règne sembla marquer
une pause dans le conflit entre slavisme et germanisme.
-En décembre, des navires de guerre allemands et russes participèrent ensemble
à une mission dans le détroit des Dardanelles afin de faire pression sur la Turquie
accusée de massacrer des Arméniens.
-Le 19 février 1896, le nouveau tzar reconnut Ferdinand de Saxe-Cobourg
comme roi de Bulgarie.
Le 30 avril 1897, une convention austro-russe fut signée à Saint-Pétersbourg
qui prévoyait le maintien du statu quo dans les Balkans.
La France tente de se délier des panslaves.
La France profita de cette époque pour tenter de descendre de la barque
du panslavisme dans laquelle elle était bien imprudemment montée en 1892.
- Le 9 août 1899, la convention militaire secrète franco-russe fut modifiée :
-si la mobilisation restait automatique en cas de mobilisation allemande,
un accord préalable serait nécessaire en cas de mobilisation autrichienne.
De façon évidente, la France ne souhaitait pas être engagée malgré elle
dans une guerre balkanique qui pourrait être provoquée par quelques fanatiques panslavistes. Cette modification se révèlera capitale par la suite...
L’Allemagne se retrouve isolée diplomatiquement.
- Le 4 mai 1900, lors d’une visite officielle à Berlin, l’empereur François-Joseph
rencontra Guillaume II et réaffirma l’alliance austro-allemande.
Cette démarche survenait alors que l’Italie s’éloignait de plus en plus de l’Allemagne.
Son adhésion à la Triplice avait été motivée notamment par la tension qui existait
entre elle et la France pour des raisons coloniales.
- Mais à partir de 1896, avec le premier accord sur la question tunisienne,
la situation avait évolué vers la détente. D’où une Italie qui, petit à petit,
se dégageait de la Triplice.
- Le 16 décembre 1900, un nouvel accord franco-italien fut signé au terme
duquel Paris se désintéressait de la Tripolitaine et Rome du Maroc.
Quatre mois plus tard, les deux pays prouvèrent mutuellement leur amitié
dans d’impressionnantes manifestations organisées à Toulon d’abord,
et à Naples ensuite.
Onze ans après avoir refusé de renouveler le « traite de contre-assurance »
germano-russe, l’Allemagne se retrouvait donc, dans les faits, très isolée.
Elle n’avait plus pour alliés que la faible Autriche-Hongrie et la Turquie
dont l’empire craquait.
Vers le triomphe du panslavisme.
Les panslaves relèvent la tête.
Sans surprise, cette situation fut mise à profit par les panslavistes.
Ceux-ci ne cachèrent plus leurs visées expansionnistes, pour la création
d’une confédération d’États forts.
L’Autriche-Hongrie réagit dès août 1901 en dénonçant la politique russe.
-Le 10 juillet 1902, l’isolement de l’Allemagne se renforça lorsque la France
et l’Italie signèrent un accord secret d’alliance défensive.
Cet accord sera entériné le 14 octobre 1903 lors d’un voyage du roi
Victor-Emmanuel III à Paris
- Le 1er septembre 1902, l’armée austro-hongroise dut intervenir suite
aux graves troubles survenus en Croatie, à Agram, entre des Croates
et des Serbes.
-Le 2 janvier 1903, la Bulgarie dénonça le traité commercial qui la liait à l’Autriche
depuis 1882. En juin, survint un événement important :
depuis 1893, la Serbie était gouvernée par Alexandre Ier Obrenovic,
qui avait instauré une constitution libérale et suivit une politique de complaisance
à l’égard de l’Autriche-Hongrie.
- Le 11 juin 1903, lui et sa femme Draga furent assassinés lors d’un coup d’État
mené par des officiers hostiles à la politique extérieure qui était menée.
Le prince Karadjordjevic lui succéda, qui allait mener une politique panslave.
Déjà affaiblie, l’Autriche réagit mollement à ce changement.
- Le 20 juillet, suite à l’assassinat de son consul à Monastir, la Russie envoya
ses troupes en Macédoine, province soulevée contre les Turcs.
La Turquie tenta de calmer le jeu en acceptant de verser des réparations.
-Mais le 2 août suivant, un groupe de révolutionnaires macédonien tenta
de s’affranchir de la tutelle ottomane.
Le panslavisme s’était définitivement mis en marche.
L’Allemagne ne profite pas de la débâche russe face au Japon. Si la catastrophe ne survint pas plus tôt, c’est qu’à l’époque, la Russie connaissait
de graves problèmes avec le Japon suite à sa politique de pénétration
en Extrême-Orient (le conflit armé éclatera le 8 février 1904).
Elle ne pouvait donc laisser s’installer des désordres sur ses arrières balkaniques.
D’où la reconduction de l’accord austro-russe sur le statu quo dans les Balkans
le 2 octobre 1903.
Mais il ne s’agissait que d’une pause purement stratégique.
Lorsque, deux ans plus tard, profitant des troubles survenus à l’intérieur
de la Russie, Guillaume II tenta de raviver la collaboration germano-russe
en invitant le tzar Nicolas II à signer une alliance défensive, celui-ci accéda
à la demande, mais l’alliance ne fut jamais ratifiée.
Or, il est à noter que si, vraiment, Guillaume II avait voulu faire la guerre
pour anéantir la France et son alliée russe, il aurait dû profiter de la débâcle russe
face au Japon et des graves tensions intérieures qui paralysaient la France
en cette année 1904 pour prendre l’initiative. Telle fut d’ailleurs la réponse
que le chancelier T. von Bethmann-Hollweg fit à Lord Haldane en 1912,
lorsque celui-ci l’interrogea sur les prétendus projets d’agression allemand ;
il rétorqua que l’Allemagne aurait « bénéficié de la meilleure opportunité
pour montrer [son] amour de la guerre lors […] du conflit russo-japonais »[
18].
Trois ans plus tard, en 1915, dans une réponse à la propagande française,
des Allemands écrivirent :
«
Une Allemagne pénétrée d’idées guerrières pouvait à ce moment-là [1904]
réduire à l’impuissance pour une génération ses deux voisins,
chacun isolément. Son amour de la paix l’emporta » [
19].
Cela dit, revenons à notre chronologie des faits.
Poussée panslave.
- L’année 1905 marqua une novelle poussée du panslavisme.
Le 8 septembre, en Macédoine, des violents combats opposèrent Turcs et Bulgares.
Un mois plus tard, à Fiume, en plein territoire autrichien, des députés croates
et serbes revendiquèrent leur autonomie politique, culturelle et économique.
- En janvier 1906, à la conférence d’Algésiras sur la question marocaine,
l’Allemagne apparut très esseulée :
- la France fut soutenue par la Russie, l’Angleterre et l’Italie alors que l’Allemagne
reçut l’appui de la seule Autriche.
Rendu inquiet par cet isolement, Guillaume II tenta de se rapprocher de l’Angleterre.
- Le 15 août 1906, il reçut Édouard VII à Kronberg.
Mais l’entrevue ne donna rien de concret.
A cette époque le panslavisme devenait de plus en plus fort. Pourquoi ?
Parce que le 29 août 1905, la paix avait été signée entre le Japon et la Russie.
Certes, cette paix marquait l’échec de l’impérialisme russe en Extrême-Orient,
mais elle rendait les mains libres au tsar qui allait pouvoir compenser l’humiliation
en reportant ses appétits sur les Balkans.
-A partir de novembre 1906, la Russie agit à nouveau au sud, en direction
des États slaves. Les premiers résultats ne se firent guère attendre :
- en juin 1907, des bandes serbes et bulgares (épaulées par des Grecs)
fomentèrent des troubles en Macédoine afin de compromettre le fragile équilibre
que la Turquie avait réussi à trouver après les événements de septembre 1905.
A la même époque, les mouvements panserbes reçurent l’appui de Belgrade
qui favorisa les projets de rattachement de la Bosnie à la Serbie.
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