Visiblement gêné par mon argumentation,mon père ne me répondit plus
pour le reste de la journée.
Mais en fin d’après-midi, je reçus un émail insultant de mon oncle
par alliance, Daniel, professeur dans un établissement pénitentiaire
et antireligieux affiché.
Comme pour ma mère peu avant, je lui répondis en lui renvoyant son message
accompagné de mes commentaires en marron.
Email envoyé par Daniel le 26 août 2011 à 19 h 42, destiné à toute la famille :
Objet : Ma façon de penser à moi. Babcia ; […]
et […] se joignent à moi pour ce message.
Réponse email à Daniel, envoyée à toute la famille le 26 août 2011 à 22 h 56 :
Objet : Réponse à Daniel, destinée à toute la famille
Marie,
Cher Daniel,
Je te remercie pour ton message dont j'ai apprécié la franchise.
Tu trouveras ci-dessous mes commentaires qui, comme dans le message
adressé à Maman, sont en marron.
Si je comprends bien, tu es passée en quelques mois, de la fille qui aimait
les poules pondeuses de […] à la fille qui admire l’aigle NAZI,
de la jeune femme célibataire et libre à la femme qui vit en concubinage
avec un KAPO d’arrière-garde révisionniste (oups ! Un jugement de valeur)
Première marque de mépris avec, de plus, un argument historiquement faux
(les nazis n'étaient pas des kapos puisque les kapos étaient des déportés.).
Je remarque que c'est toi qui injuries, pas moi. Depuis le début, je ne fais
qu'exposer calmement ce que j'ai à vous dire et appeler à la discussion
courtoise dans un esprit ouvert. Je sais très bien que tu n'as pas mes idées.
Certaines de tes idées peuvent même me choquer aujourd'hui, comme ton rejet
assez radical de tout ce qui est religieux, mais je te respecte en tant que tel.
Il ne me viendrait pas à l'idée de te comparer à Marat et de te prêter
ses desseins criminels.,qui fait huit gosses à une femme
et qui la largue.
Tu juges sans connaître le dossier.
Et en plus, comme si cela ne suffisait pas, tu te mets à admirer un dieu ?
Babcia est catholique elle aussi.
Elle admire Dieu. La méprises-tu pour cela ? Bravo ! Je pense qu’on peut encore descendre plus bas, mais là,
il faut bien l’avouer, tu fais fort.
En fait, j’ai le sentiment que tu as cherché et que tu as réussi à faire la synthèse
parfaite de tout ce que tes parents craignent et haïssent.
(La religion pour ta mère, le délinquant pour ton père).
Bref, une très belle crise d’adolescente attardée. Deuxième marque de mépris.
À te lire, on a l’impression que « tu es née avant ton grand-père »
comme on le dit par ici.
Si tel avait été le cas, comme l’aurait dit mon père qui avait 20 ans en 1944,
tu aurais fermé ta gueule et tu aurais obéi devant des nazis
qui te forcent à coup de crosses à t’aligner avec d’autres devant le mur
de la gare de […] pour t’envoyer en Allemagne.
Ce n’est pas dans les livres, mais une chose est certaine,c’est arrivé à mon père.
Ton père a eu plus de chance que de nombreux Normands qui, en 1944,
ont vu les bombes des « libérateurs » leur arriver sur la figure et ne se sont pas
relevés pour ensuite raconter ce qu'ils ont vécu.
Pour revenir à ce que tu disais, je pense en effet que je serais partie avec les autres.
La souffrance des populations pendant les guerres est un phénomène universel
sans rapport avec le nazisme.
De plus, le fait que les chambres à gaz n'aient pas existé ne remet pas en cause
des violences qu'ont pu exercer en pleine guerre des Allemands.
Ces violences, il y en a eues, c'est incontestable !
Dans cette affaire, il ne faut pas mélanger les émotions et la raison :
les chambres à gaz n'ont pas existé, mais les camps oui, les souffrances oui.
Je le sais bien. Je le reconnais. Mais la vérité historique s'écrit avec des preuves.
Pas avec des émotions, ni avec des photos chocs et hors contexte.
Il est nécessaire de remettre les choses dans leur contexte, afin de pouvoir
juger objectivement.
C'est ça que je réalise que vous ne comprenez pas, vous tous.
Croyez-vous que je sois totalement incrédule ?
Nos familles ont souffert de la guerre, oui, bien sûr.
Mais si les chambres à gaz n'ont pas existé pour de simples raisons qui relèvent
de la physique et de la chimie, c'est qu'elles n'ont pas existé, c'est tout.
C'est une constatation froide et purement objective, sans aucun rapport
avec les souffrances réelles des déportés dans les camps.
Vincent peut être national-socialiste sans accepter tout ce qu'il s'est passé
sous le national-socialisme. Tu es républicain, Daniel, mais je suis persuadée
que tu ne cautionnes pas tous les crimes commis au nom de la République,
que ce soit le massacre des Lucs-sur-Boulogne, les fusillades de 1918,
le massacre du Mur des Fédérés, la torture en Algérie, etc.
Ma mère, qui avait 16 ans à l’époque, est d’accord avec moi :
je ne connais rien de la guerre parce que je ne l’ai pas vécue.
Mais je sais que j’ai de la chance de ne pas la vivre.
Toi, tu ne connais rien de la guerre parce que tu ne l’as pas vécue,
mais tu ne sais pas la chance que tu as de ne pas la vivre.
La refaire ou la réviser le cul au chaud dans un pays libre est à la portée
de n’importe quel guignol.
Vincent a fait un an de prison pour une étude révisionniste de 16 pages.
Comme pays libre, on fait mieux.
Ton gars évite les jugements de valeur. Ben voyons !
Cela lui évite peut-être de dire les siennes.
Vincent a toujours assumé son national-socialisme dans les termes précis
que j'ai utilisés dans la lettre que vous avez tous reçue.
Les miennes, comme celles de tes parents et de la famille,sont celles
de la République et non celles de la dictature, j’en suis fier et je peux les crier
sans craindre la prison.
Forcément, quand on adopte le politiquement correct et qu'on est du côté
du plus fort, on ne craint jamais la prison.
Pour ce qui est des tiennes ou des siennes, j’en doute.
Si tu es si fière d’être devenue nazie, n’hésite pas à coudre sur le devant
de tes vêtements une croix gammée comme les juifs ont dû le faire avec une étoile
jaune dans les années 40 et arbore-la fièrement à chaque fois que tu sors
dans la rue, toi qui refuses un boulot sous prétexte de devoir affronter
quelques adolescents pubères de cité.
Tu ne sais pas ce que j'ai vécu : troisième marque de mépris.
De plus, Daniel, si tu savais comme Vincent et moi aurions été loin
d'approuver le port de l'étoile jaune.
Demande des explications avant d'accuser ! Pour ce qui est de ton admiration envers Dieu : lequel admires-tu ?
Celui de l'Inquisition
Quels livres as-tu lus sur l'Inquisition ? et des extrémistes
Lesquels ? Des noms et des exemples précis ou celui de Sœur Thérésa ou encore de l’abbé Pierre ?
Vincent et moi aimons celui de Sœur Thérésa et de l'abbé Pierre.
Si tu savais combien Vincent est généreux avec autrui, sans considération ni de race,
ni d'idées politiques, ni de religion. Aucune haine chez lui. Pas non plus chez moi.
Si tu acceptais de l'écouter, tu pourrais le constater par toi-même.
Au lieu de cela, tu le juges et tu me juges superficiellement, sans prendre le soin
de nous écouter dans une discussion courtoise.
Accepterais-tu cette discussion courtoise ?
À lire les réponses que tu fais à tes parents, en répondant couleur rouge sang,
C'est du rose.
il me semble qu’il s’agit plus du premier que du second.
Celui de la haine.
Donne-moi, s'il te plaît, un exemple précis à l'appui de ton assertion :
où vois-tu que j'aimerais un Dieu de haine ? Pourquoi ? Je ne comprends pas !
J’ai la certitude que tes parents t’ont élevé toi comme ton frère du mieux
qu’ils pouvaient même s’ils ont fait des erreurs, mais qui n’en fait pas ???
Il me semblait que le christianisme devait véhiculer l’amour de son prochain,
la compassion, l’humilité, le pardon.
Je pardonne à mes parents les erreurs qu'ils ont commises.
Quand je ne pardonnais pas, j'étais […], « célibataire », « libre »,
avec les « poules pondeuses » et j'étais malheureuse comme une pierre, […].
Aujourd'hui, c'est fini, et cela grâce à l'amour que je trouve dans le Seigneur.
Bien sûr, cela ne m'empêche pas, dans certaines situations et pour certaines
explications, de rappeler à mes parents ces erreurs.
Mais je ne leur en veux plus du tout.] Je ne trouve rien de cela dans tes lettres.
Parce que tu les lis mal, c'est-à-dire avec des a priori.
Il faudrait peut-être joindre la théorie à la pratique ne penses-tu pas ?
C'est déjà fait depuis longtemps.
Ou alors, si tel n’était pas le cas, comme le dit si bien Jacques Brel dans
Les Bigotes[
7] :
«
si j’étais diable en te voyant parfois, je crois que je me ferais châtrer,
si j’étais Dieu en te voyant prier, je crois que j’en perdrais la foi. »
Pour en finir, sache que dès ce soir, je visionnerai avec les enfants le film
La liste de Schindler pour éveiller leur conscience et pour qu’un jour
ils comprennent que le monstre concentrationnaire ne meurt jamais, En effet :
Guantanamo, Abu Ghraib, etc. J'ajoute que le monstre sanguinaire militaire
n'est pas mort non plus : uranium appauvri sur l'Irak, l'Afghanistan, etc.
Il est vrai que les Américains ont développé le concept de « guerre zéro mort ».
Comprenez :
- zéro mort dans le camp américain et où les morts ennemis comptent pour zéro.
qu’il peut être réveillé à tout moment par des gens inconscients
ou au contraire par des gens très conscients, mais qui cachent très bien
leurs desseins inavouables
Vincent n'a jamais caché
ses desseins puisqu'il les estime parfaitement avouables.
Souhaiter une société respectueuse du bien commun
(comme expliqué dans la lettre tapuscrite je le rappelle)
est parfaitement avouable, aux yeux des hommes comme aux yeux de Dieu.
Mais peut-être estimes-tu que Vincent nourrit secrètement des desseins criminels.
Si c'est le cas :
je te demanderai la preuve de ce que tu avances.
Après
La liste de Schindler, je leur montrerai
La chute afin que cette fois-ci, ils comprennent toute la lâcheté de Hitler
qui refusera par son suicide d’affronter ses juges.
Ils n'auraient pas été des juges, mais des exécuteurs.
On en a eu la preuve au procès de Nuremberg.
Sais-tu comment ont été traités les accusés à Nuremberg ?
As-tu lu les 21 tomes des « débats » ?
Mieux vaut parfois se donner la mort que de tomber entre les mains
d'adversaires implacables.
Salvador Allende s'est suicidé au moment de tomber entre les mains
des putschistes de Pinochet.
Il ne me viendrait pas à l'idée de le traiter de lâche.
Toi Daniel : le traites-tu de lâche ?
Tu me diras que s'il n'avait rien à craindre, Hitler ne se serait pas suicidé.
Cette remarque serait prouver que tu ignores tout des mécanismes de la justice
et de ce que sont les procès politiques.
L'Histoire est pleine d'innocents qu'une procédure judiciaire inique
a su transformer en coupables.Tout comme celle de Goebbels qui avec sa femme assassinera ses propres enfants
Oui, pour leur éviter des sévices bien plus graves qui ont été infligés
aux femmes et aux enfants de Nemmersdorf et de centaines d'autres
localités allemandes.
Mais ces crimes,l'Histoire politiquement correcte que tu connais les occulte
totalement.
Bien sûr, ce n’est pas la réalité, ce sont des films.
Le but n’est pas là.
Il est tout simplement de les alerter et de les mettre d’ores et déjà en garde.
Crois-tu, Daniel, et croyez-vous, tous les autres, que j'aie une personnalité
si noire et que je serais assez crédule pour croire des gens qui diraient
des mensonges si évidents et si abominables ?
Ce dont je suis sûre, c'est qu'il est extrêmement difficile de remettre en question
des choses qu'on croit acquises depuis fort longtemps.
Il faut être humble et accepter d'écouter avec un esprit ouvert, c'est-à-dire
en acceptant le fait que ce que l'on croit est peut-être faux, cela en faisant
l'immense effort (car évidemment c'est très difficile parce que ça fait très mal ;
j'en ai fait l'expérience) de dépassionner les débats.
C'est ainsi que j'ai agi et je ne me suis jamais sentie aussi libre,
équilibrée et calme qu'aujourd'hui.
Vincent et moi ne fermerons jamais la porte à une discussion courtoise .
Je vous embrasse tous,
Marie Daniel
***
Daniel n’a pas répondu et ne m’a plus jamais écrit.
Vint la journée du 27 août, sans doute l’une des plus pénibles de ma vie,
avec cet appel téléphonique de mon père que je retranscris de mémoire :
Samedi 27 août 2011, de mémoire, en résumé et en substance,
coup de fil de mon père vers 11 h 00 du matin :
« Allo ? Bonjour Papa, ça va ? (voix enjouée)
― Non ça ne va pas. »
Papa n’est visiblement pas content du tout. Il est même très en colère.
Il justifie son coup de téléphone :
quel «
mal » ma mère et lui m’auraient fait quand j’étais petite ?
Il exige une rencontre afin d’avoir une franche explication.
Je l’accepte immédiatement. Mais il pose directement la question :
«
Mais quel mal t’a-t-on fait, Marie ?
J’aimerais le savoir car il règne un grand vide sur cette affaire. »
Comme il est extrêmement délicat d’exprimer ce que l’on a compris de sa famille
en imbriquant les histoires personnelles de chacun, ses ressentis enfantins
puis adolescents, et certains faits survenus dans le temps de l’adolescence,
je tente une explication.
Cette dernière ne satisfait pas du tout mon père, qui coupe mon discours d’un :
«
MAIS QU’EST-CE QU’ON T’A FAIT, MARIE ? »
La tension est montée d’un seul coup. Il s’emballe :
il en a assez de tous mes mensonges, lorsque j’étais adolescente
je ne faisais que mentir, ce mensonge de plus sur l’identité
de ce «
François qui ne s’appelle pas François » ,
il ajoute qu’il ne l’appellera jamais Vincent ,est absolument insupportable
pour lui et pour le reste de la famille que j’ai bernés.
Selon lui, je suis une criminelle, qui profite elle aussi du bien commun
en touchant le minima social.
Abruptement, il m’ordonne de bannir à tout jamais de mon vocabulaire le mot
« courtois », que ce mot lui sort par les trous de nez, qu’il ne veut plus jamais
l’entendre ou le voir écrit.
Car
« avec ses parents, on n’a pas des relations ou des discussions COURTOISES ».
(Silence de quelques secondes, qui paraissent une éternité tant la tension est importante)
Puis il se met à me questionner rudement : est-ce que je glorifie Hitler ?
Est-ce que je compte porter le brassard dans la rue ?
Il affirme que les sociétés d’ordre se terminent toujours par des guerres,
des camps de concentration, des tortures, des autodafés, des privations
de libertés individuelles dégradantes pour la dignité humaine.
Et si je pense qu’une société d’ordre ne signifie que
«
respect du bien commun au détriment des biens privés »,
alors je crois encore aux «
Bisounours ».
Je suis sans cesse interrompue : il hurle qu’il est mon père, que je dois l’écouter,
qu’il est désolé d’agir ainsi mais qu’il y est obligé,
car j’ai «
un petit pois dans la tête ».
Il continue son monologue en me parlant du Zyklon B :
est-ce que je nierais aussi que ce gaz a existé ? Je lui réponds que non.
«
A quoi cela a-t-il servi, à ton avis ? » continue-t-il.
«
A désinfecter les habits » dis-je maladroitement.
La réponse fuse, sur le ton du plus total mépris :
« Ah oui, bien sûr, à désinfecter les habits… ».
«
Et le gaz ypérite alors, utilisé pendant la guerre 14… » (silence)
« …
ça aussi ça a servi à désinfecter des habits ? »
Je lui réponds que je ne connais pas ce gaz, et que par conséquent
je ne puis me prononcer.
«
Et les camions à gaz alors ? » fulmine-t-il,
«
Ça non plus, ça n’a pas existé ? »
Même réponse de ma part :
- même si j’en ai entendu parler, je n’ai pas suffisamment étudié le sujet.
De toute façon, la discussion est impossible ; je suis bien trop tendue
et inexpérimentée pour répondre correctement.
Brutalement, il recommence à m’interroger :
est-ce que je crois sincèrement qu’il va croire que les chambres à gaz
n’ont pas existé ?
Il insiste : «
Est-ce que tu le crois, ça, Marie ? »
Je lui réponds que j’espère sincèrement qu’un jour il le croira parce que
c’est la stricte vérité.
Alors il hurle que je suis une folle, que je ne suis plus leur fille,
qu’il niera mon existence auprès des autres et que ce n’est même plus la peine
que je revienne à la maison.
Je réponds calmement qu’il prendra l’entière responsabilité de la décision
qu’il vient de prendre et de m’annoncer, car de mon côté je ne souhaite pas
couper les ponts avec ma famille. Sa réponse claque aussitôt :
«
TU VOIS ? TU NOUS FAIS CULPABILISER !!! »
Quant au passage de ma lettre sur les bombardements américains en Normandie,
il m’aurait giflée si j’avais osé tenir ces propos en face de lui.
Il traite ensuite Vincent de fainéant, de mec «
pourri de fric »,
d’antisémite, de raciste, d’ordure, de gourou, de connard,
de «
Jésus-Christ-de-bazar »
qui se fait aider par une «
organisation nazie ».
Il aimerait que Vincent soit tout près du téléphone pour entendre.
Il ajoute que Vincent a aimé aller en prison, que ça l’a fait jouir,
et pour étayer cette affirmation, il cite l’interview qu’il a accordée
à Jérôme Bourbon à sa sortie de prison. [
8]
Selon lui, Vincent est une sorte d’ « artiste » qui veut faire parler de lui
et se faire admirer de manière originale.
Pour mon père, tout est limpide :
Vincent est un lâche, car il a caché aux gitans, ses codétenus,
qu’il était national-socialiste parce qu’il avait peur de se faire enculer
dans les douches.
Il me demande ensuite si Vincent a terminé sa B.D. Je lui réponds que non.
Il évoque alors la photo qu’il a trouvée sur Internet où l’on voit Vincent
en polo rouge bordeaux, étendant les bras, souriant, adossé à une tribune.
Pour lui c’est la preuve que Vincent est mégalomaniaque et narcissique.
Il a aborde ensuite le « dossier » Oradour-sur-Glane, me lançant que si j’étais
si fière de croire à la thèse développée par Vincent, je devrais alors oser aller crier
dans le centre ville d’Oradour que ce ne sont pas les SS qui ont fait brûler l’église
et qui ont tué tous les villageois.
Je lui réponds que je ne ferai jamais cela, puisque je n’ai pas envie de me faire lyncher.
Il me traite de lâche.
Il me dit penser sincèrement que je vais finir par me suicider maintenant
que je suis devenue «
nazie ».
A ce moment, je pleure silencieusement.
Lui dit tranquillement que toute la famille pleure par ma faute et par la faute
de ce « connard ». Dans un souffle trahissant les sanglots, je lui somme d’arrêter
de parler de Vincent en ces termes.
J’ajoute : «
Moi aussi, je pleure»
Et il me répond : «
Ben oui, tout le monde pleure.
Il doit être bien content ton connard maintenant, hein, ton CONNARD !!! »
Vient ensuite la religion : tout comme Maman, il est désolé de ne pas m’avoir
prodigué d’éducation religieuse. Il dit que ça, je peux le faire, oui il m’autorise,
ça ne le dérange pas que je sois catholique croyante et pratiquante.
Mais lui n’y croit pas : tous les signes et gestes associés à la pratique
de la religion catholique sont ceux d’une secte. Il rejette tout cela.
Ce n’est pas la peine de mettre des majuscules à « Dieu », « Jésus »,
« Vierge Marie », « Lui », « Il », « Elle », « Notre-Seigneur » etc.
dans les lettres que je leur adresse parce que lui ne croit pas en Dieu.
Je dois d’ailleurs cesser de prier pour lui parce qu’il n’en a pas besoin.
En guise de conclusion, Maman lui souffle que ce n’est pas en se frappant
la poitrine qu’on devient plus pieuse[
9], et qu’elle espère
que je ne tomberai pas enceinte de Vincent.
Le dernier mot revient à mon père, qui dit posément :
«
Je ne t’embrasse pas ».
Je lui réponds a-t-il entendu ?
Car il raccrochait au même moment : «
Moi oui. »
***
Le lendemain, alors que j’étais encore sous le coup de l’appel téléphonique,
un oncle m’écrivit cet email :
Email de […] envoyé le dimanche 28 août 2011 à 17 h 04,
adressé à toute la famille :
Objet : Ce que je pense de toi maintenant
Bonjour Marie,
Je suis terriblement déçu par ton comportement envers tes parents.
Je pense qu'ils t'ont bien éduqué, qu'ils t'ont apporté leur amour.
Peut-être un manque de communication entre vous ?
Mais voilà, tu en as décidé autrement. A force de dire que tout est nul,
et bien Marie c'est toi qui es devenue nulle.
Tu as rencontré un dangereux spécimen qui par ses belles paroles t'a envoûtée.
Pourtant, Babcia, ainsi que moi-même t'avions prévenu de faire attention.
Mais non, tu n'en as fait qu'à ta tête. Dans quel guêpier t'es-tu fourrée ??????
J'ai lu son pedigree sur Internet. Il n'est pas joli et si tu le suis,
je pense qu'il va t'arriver la même chose, c'est-à-dire prison, dettes,
escroqueries ou pire encore.
Elle est où Marie que je connaissais ?????????
[…], à toute la famille.
***
Dans la nuit du dimanche au lundi, comprenant probablement que les injures
ne serviraient à rien, mon père changea de registre.
Adoptant un ton désespéré et suppliant, il m’écrivit :
Email de Papa écrit le dimanche 28 août 2011, envoyé à 04 h 52,
dont je suis l’unique destinataire :
Objet : bonjour de la nuit
Bonjour Marie,
Je ne dors pas beaucoup en ce moment. Tes parents te redisent qu'ils t'aiment
et qu'ils ne veulent pas te perdre. Ouvre tes yeux, je t'en supplie.
Papa
***
Insensible à ces méthodes de flics et conseillée par Vincent,je lui répondis dès le matin :
Notre réponse email à Papa, Maman et […] le dimanche 28 août 2011,
envoyée à 08 h 52 :
Objet : Re : bonjour de la nuit
Mon cher Papa,
Je te remercie de ton message, qui m'a beaucoup émue.
Je comprends parfaitement ce que tu peux ressentir.
Mais voilà :dans une situation de crise,chacun doit savoir faire un pas vers l'autre.
Je vous ai envoyé une lettre d'explication sans aucune animosité.
J'y exposais les raisons de mon changement.
Je savais bien qu'elle vous choquerait et qu'il faudrait discuter.
J'étais prête à discuter, et je le suis toujours.
Mais hier,au téléphone,tu as parlé 75 à 80 % du temps, m'interrompant sans cesse,
refusant quasiment tout le temps de m'écouter, rejetant d'avance tous
mes arguments (les traitant de « pseudo-arguments » etc. sans même les avoir lus),
mélangeant tout, injuriant Vincent (tu voulais même qu'il t'entende quand
tu le traitais de « connard » et j'en passe), et me quittant en refusant
de m'embrasser,après m'avoir dit qu'il n'était plus nécessaire que je revienne à la maison.
Ce n'est pas ainsi que tu éviteras de me perdre, j'en suis désolée…
Tant que cette situation perdurera, tu souffriras, mais pas par ma faute.
Si tu veux que ça change, tu dois accepter la discussion loyale avec moi
en compagnie de Vincent. Tu dois accepter d'écouter ce qu'il a à dire,
le cœur ouvert, sans a priori.
Après, tu pourras te faire ta propre opinion, sur la base du pour et du contre.
Nous la respecterons quelle qu'elle sera.
Je vous embrasse tous les deux, ainsi que [...],
Nous partons à la messe.
Bon dimanche
Marie PS : Quand je pleurais hier, c'était parce que tu refusais de m'écouter,
et pas à cause de Vincent. Si tu m'avais respectée en m'écoutant,
ce ne serait pas arrivé. Je te souligne que Vincent, lui, m'a toujours écoutée
le cœur ouvert, même quand je lui ai annoncé certaines choses douloureuses
qui auraient pu le faire fuir. Il a, au contraire, toujours accepté de me comprendre.
***
La réponse vint en fin de journée.
Mon père utilisait l’arme bien connue les bien-pensants :
l’inversion accusatoire. Alors qu’il refusait d’écouter nos arguments,
c’était lui qui m’accusait de tenir des « discours figés ».
Il me faisait également connaître le « choc » qu’il avait ressenti au fait
« d'avoir entre les mains ce DVD tellement condamnable qu'il conduit en prison
ceux qui en font usage ».
De la part d’un ancien inspecteur de police, une telle ignorance est pitoyable :
la loi Gayssot ne réprime que les discours publics.
En privé, on peut lire et regarder ce que l’on veut.
Plus grave : mon père ne semblait pas choqué qu’en France, on puisse aller
en prison simplement pour avoir regardé un DVD.
Preuve que la liberté d’expression n’est pas, pour lui, un principe.
Au nom du politiquement correct, il accepte toutes les manœuvres dictatoriales.
Réponse email de Papa, reçue le dimanche 28 août 2011,
envoyée à 19 h 49, dont je suis l’unique destinataire :
Objet : Re : re : bonjour de la nuit
Je constate que tu n'as pas entendu mes paroles et que tu persistes
dans tes discours figés. Encore une fois tu n'as pas compris que nous refuserons
toujours de faire la conversation avec cet homme pour tout ce qu'il représente.
Il est facile de reporter sur tes parents l'origine du conflit qui s'installe entre nous
sous prétexte que nous ne ferions pas l'effort d'écouter « ses arguments ».
Cela revient à dire qu'il nous faudrait nous plier, se mettre au tableau noir
pour écouter les démonstrations par a + b du professeur. Professeur,
il ne l'est plus depuis qu'il a été radié de l'Éducation Nationale.
Ceci étant, je ne comprends pas comment, alors que tu prétends n'avoir pas
de sentiments pour un certain Adolf Hitler, tu mets autant d'acharnement à vouloir
lui rendre justice sur la question des chambres à gaz
(au fait, t'es-tu renseignée sur l'usage du Zyklon B dans les camions ?).
En quoi la société d'ordre nouveau que tu aimerais voir émerger tient-elle
à cette question ? Une dernière chose avant d'en terminer.
Hier, j'ai cru comprendre que tu avais eu des doutes toi aussi, et peut-être
as-tu été émue à la vue de tous ces charniers, tous ces corps que nous avons
tous vus, poussés par des bulldozers au fond des fosses communes
après la libération des camps.
Si cela t'a un peu remuée, comment ne parviens-tu pas à comprendre
ce que nous tous avons pu ressentir à la lecture de ton courrier, à la froideur
de tes arguments, au choc d'avoir entre les mains ce DVD tellement condamnable
qu'il conduit en prison ceux qui en font usage.
Pourquoi faudrait-il que nous ayons cette ouverture d'esprit que tu nous réclames ?
Non, nous ne voulons pas aller en prison et persistons à dire que
nous préférons l'ignorance et l'obscurantisme dans laquelle
nous serions d'après toi, à la négation.
Nul n'est au dessus des lois.
Si tu n'es pas de cet avis, c'est qu'il y a peut-être du vrai lorsque nous te disons
que tu es sous influence. Toute la famille pleure, notre souffrance est immense,
demain elle atteindra le cœur de Tonton […] et de Tata […], si tant est
que tu leur écrives. A présent, je te laisse à tes réflexions.
Papa
***
Face à une telle fermeture d’esprit, je décidai une nouvelle fois de cesser
toute discussion, sans pour autant rompre tout contact :
Réponse email à Papa, destinée à toute la famille, écrit le lundi 29 août 2011,
envoyée à 09 h 28 :
Objet : Re : re : re : bonjour de la nuit
Cher Papa, Chers tous,
Je ne voulais pas vous voir « plier », mais juste que vous vous fassiez
une opinion après avoir pesé les arguments et les contre-arguments
en toute bonne foi lors d'une discussion libre et loyale.
Vous le refusez pour des raisons que je n'ai pas à juger. Je les respecte.
Toute discussion étant impossible, je cesse maintenant de vous écrire sur le sujet.
Je vous demande de faire de même.
Je vous enverrai néanmoins des nouvelles régulières de ma santé afin que vous
ne vous inquiétiez pas outre mesure.
J'ose espérer qu'un jour, les choses s'arrangeront dans le cadre d'une démarche
de compréhension mutuelle car je reste votre fille, sœur, petite fille
et nièce / filleule, et vous restez mes parents, mon frère, ma grand-mère
et mes oncles et tantes.
La porte de mon cœur et celle de ma maison vous seront toujours ouvertes.
Je vous embrasse tous
Marie ***
Pendant plus de 48 heures, ce fut le calme plat.
Puis un nouveau message ce mon père me parvint, très compréhensif :
Email de Papa reçu le mercredi 31 août 2011, dont je suis l’unique destinataire,
envoyé à 11 h 59 :
Objet : où en es-tu ?
Bonjour Marie,
Je voulais simplement te dire que, quoi qu'il arrive,
nous serons toujours à tes côtés, sans chercher à te juger.
As-tu écrit à […] et à […] ?
Je t'embrasse
Papa
***
J’avoue que ce ton subit plein ,trop plein , de compréhension me laissa perplexe.
Car après tout ce qu’il m’avait écrit et dit, comment croire qu’il ne cherchait pas
et ne chercherait jamais à me juger ? Voilà pourquoi je lui fis la réponse suivante :
Notre réponse email adressée à Papa, Maman et […]
le mercredi 31 août 2011, envoyée à 14 h 51 :
Objet : Re : où en es-tu ?
Cher Papa,
Merci de tout cœur pour ton message.
J'aimerais le croire sincère pour que la situation se débloque.
Mais puis-je le considérer sincère après toutes les lettres que j'ai reçues ?
Je comprends vos souffrances. Mais j'aimerais que, de ton côté,
tu comprennes que je vis très mal le fait que vous insultiez Vincent
(c'est m'insulter) et que vous ne vouliez ni m'écouter, ni prendre
connaissance des divers documents que je vous ai envoyés afin
de justifier mes opinions présentes.
Au téléphone, à propos des bombardements américains, tu m'as clairement
dit que si j'avais développé cet argument en face de toi, tu m'aurais giflée.
Ce n'est pas ainsi que la situation s'améliorera et que les souffrances,
les vôtres comme les miennes, s'apaiseront.
Pour juger Vincent et me juger moi, il faut nous écouter d'abord tous les deux,
se détacher d'Internet, cesser de vociférer et de me menacer dès que j'essaie
de m'exprimer.
Tu crois savoir ce que Vincent représente ?
Je te signale que tous les racistes et tous les islamophobes primaires
(Vincent et moi en sommes très loin, contrairement à ce que vous pensez)
pensent savoir ce que l'autre représente.
Ce que je ne comprends pas et ne comprendrai jamais chez vous,
c'est le refus catégorique,fondé sur un jugement téméraire,de toute discussion.
La discussion signifie:
1/ Tour de parole respecté,
2/ Ecoute honnête
et 3/ Réponse aux arguments en eux-mêmes.
Refuser la discussion par avance en disant que l'autre n'est
qu'un « illuminé », un « criminel »
qui ment et qui n'expose que des « pseudo-arguments »
est foncièrement malhonnête.
C'est au terme d'une discussion loyale et dépassionnée que l'on peut juger
la valeur de l'autre. Ce n'est pas avant.
Je sais que,sur le problème des chambres à gaz et du national-socialisme
par exemple,c'est très difficile parce que l'évidence semble contraire.
Tu m'as ainsi parlé des bulldozers qui poussent des cadavres.
(voir photo).
Il est vrai que la scène est insoutenable.
Mais quelle est l'origine de cette scène, sa date ?
Qui sont ces gens, de quoi sont-ils morts et dans quelles circonstances ?
Ces questions, il faut les poser et y répondre honnêtement avant de juger.
Un fait brut est toujours susceptible de multiples interprétations.
Pour trouver la bonne, il faut savoir remettre le fait dans son contexte.
Si tu avais lu le document que je t'ai envoyé et qui traite des derniers mois
au camp de Bergen-Belsen (camp où a été filmée la scène du bulldozer ;
c'était entre le 17 et le 20 avril 1945 et je peux même te dire que
le conducteur était le lieutenant britannique Martin Wilson),
tu aurais trouvé les réponses à ces questions, et tu ne jugerais plus
du tout cette scène de la même façon.
Papa, toi qui es ancien inspecteur de police, songe à l'affaire Jean-François Lesnier.
Sept ans de bagne parce que toutes les évidences plaidaient contre lui
alors qu'il était en fait totalement innocent...
Il ne faut pas me dire que cela n'a aucun rapport, ce sont exactement
les mêmes mécanismes intellectuels qui sont mis en branle ;
seule l'ampleur de l'affaire change.
Dans la situation présente, je ne réclame qu'une seule chose :
que vous acceptiez une discussion loyale avec Vincent et moi.
Après,vous serez libres d'avoir votre propre opinion,d'être à mes côtés
ou non, de me rejeter ou non.
Je pense être en droit de formuler cette exigence qui est conforme
au principe de justice.
Tu m'as déjà écrit qu'il fallait que je comprenne qu'il ne serait jamais question
d'une telle discussion. J'ai bien compris le message.
Mais je ne te demande à ton tour de comprendre ce qui suit :
- je réclame cette discussion, et tant que tu la refuseras, la situation restera
bloquée et je ne pourrai pas croire que tu pourrais être à mes côtés sans me juger.
J'ai aujourd'hui reçu une gentille lettre de Babcia. Je vais lui répondre.
Je n'ai pas encore écrit à Tata et Tonton ; j'ai déjà assez à faire avec vous.
Je t'embrasse ainsi que toute la famille,
Marie P.S. :
Papa, comprends bien que je ne vous traite pas de « cons » (inintelligence).
Je pense seulement que vous êtes victimes de mensonges qui,
à force d'avoir été répétés, passent pour des vérités.
Ce n'est pas la première fois dans l'Histoire que des erreurs ou des mensonges
ont abusé l'immense majorité pendant parfois des années.
Exemples :
- Néron qui aurait incendié Rome, 9 millions de martyrs chrétiens
sous l'Empire romain (quelques dizaines de milliers en vérité),
- Ptolémée contre Copernic,
- Semmelweis contre le corps médical,
- le fer dans les épinards,
- les bébés belges aux mains coupées pendant la première guerre mondiale,
- les bébés arrachés à leurs couveuses au Koweït en 1991, etc.
Il ne faut pas me dire que cela n'a rien à voir, c'est exactement la même chose
(adhésion en toute bonne foi à des mensonges ou des erreurs) ;
seule change l'ampleur des affaires.
***
Mon père ne répondit pas. Il fallut attendre plus de deux semaines
pour qu’il reprenne contact avec moi, par téléphone.
Il savait naturellement que Vincent m’aidait dans mes réponses et il souhaitait
sans doute me parler seul à seule.
Mais depuis l’appel téléphonique du samedi 27 août, j’avais discuté
avec Vincent et il m’avait exposé les réponses simples à donner
aux arguments des tenants de la thèse officielle.
Je me sentais donc beaucoup plus à l’aise avec mon père, qui de son côté,
semblait plus calme et disposé à m’écouter.
Lundi 19 septembre 2011, de mémoire, en résumé et en substance,
coup de fil de mon père vers 19 h 30 :
D’une voix normale, papa commence par m’annoncer ceci :
- sa croix est désormais de me prouver par des lectures que Vincent
et moi avons tort.
Il a lu les quatre articles de Vincent [
10], mais il en reste moyennement
convaincu, surtout concernant l’article sur la Croix-Rouge.
De toute façon, peu importe, puisque c’est Hitler qui a voulu et cherché la guerre.
Il n’était qu’un Autrichien qui a obtenu la nationalité allemande à la dernière minute ;
il n’aimait ni son peuple, qu’il a totalement délaissé, ni ses généraux, qu’il a envoyés
à la mort en leur donnant des ordres absurdes.
En outre, et c’est totalement pitoyable, il a enrôlé des jeunes adolescents allemands
dans son armée à la toute fin de la guerre. Certes, l’Allemagne a subi
des bombardements massifs, mais ce n’était que la juste réponse
aux bombardements massifs que les Allemands avaient perpétrés sur l’Angleterre.
Hitler a voulu la guerre, c’est lui qui l’a voulue.
Il était amer à cause de la première guerre mondiale où il avait reçu du gaz
dans les yeux qui l’avait laissé aveugle quelques mois.
Il était de plus antisémite et anticommuniste, ce qui est très grave.
Je réponds calmement que durant ma scolarité, tous les professeurs d’histoire
au collège et au lycée ont commencé le chapitre sur la deuxième guerre mondiale
en admettant que Hitler avait su remonter l’économie de l’Allemagne et apporter
le bonheur à son peuple en leur donnant du travail,du pain et de saines occupations.
Mon père me ressort l’argument habituel :
«
Oui mais alors à quel prix ! »
J’élude et continue tranquillement de lui expliquer que, concernant la marche
vers la guerre, il faut accepter de s’intéresser aux écrits révisionnistes,
notamment à un article de Vincent intitulé :
Le mythe des démocraties « pacifiques »qui seraient acculées
à la guerre par les « dictateurs » (voir photo)
que j’aimerais lui envoyer. Lira-t-il cet article, si je le lui envoie ?
«
Oui », répond-il.
Papa se met à parler des livres qu’il est en train de lire et qui, d’après lui,
prodigueront les arguments nécessaires qui me feront changer d’avis,
car il m’avoue être très préoccupé par mes nouvelles opinions, en particulier
ma glorification de Hitler. Je ne lui ferai pas admettre, ajoute-t-il,
que je ne crois plus à l’existence des chambres à gaz homicides nazies
uniquement pour l’amour de la vérité.
C’est parce que je veux réhabiliter un homme comme Hitler et le régime
qui va avec bien entendu, que je clame subitement qu’elles n’ont pas existé.
Lorsque je lui demande de me donner les références des ouvrages
qu’il est en train de lire, il est incapable de me donner la réponse.
Je lui laisse l’a priori favorable,pensant que c’est l’émotion qui l’empêche de se souvenir.
Tout heureuse qu’il veuille se pencher sérieusement sur la question,
je lui demande alors s’il accepterait une discussion loyale avec Vincent.
«
Oui, mais avant je dois lire. Parce que c’est long, Marie,
ça oui c’est long ! Il y en a des livres à lire ! »
Dans mon enthousiasme, j’enchaîne : a-t-il visionné le DVD « Holocauste » ?
Sa réponse sèche fuse :
«
Ah non non non non non. Je ne regarderai pas ça. »
Bon. Raté.
Pour lui, la discussion ne sera de toute façon jamais possible
si nous continuons à affirmer que les chambres à gaz n’ont pas existé.
Moi :
« Oui mais si tu dis vouloir t’intéresser au sujet, alors pourquoi ne pas lire
plus que les quatre articles que tu as déjà lus ?
N’est-ce pas que tu cherches en réalité à confirmer ce que tu penses
déjà en ne cherchant que des ouvrages qui corroborent la thèse officielle ? »
― « Je ne peux pas lire les ouvrages des “négationnistes”
parce que c’est interdit par la loi. »
M: « Mais pourquoi y a-t-il une loi, Papa ? »
― « Et puis d’abord, qu’est-ce qui me prouve que c’est bien lui qui a écrit
ces quatre articles ? Je ne vois pas de signature. »
M: « Papa, je t’ai posé une question :
pourquoi existe-t-il une loi interdisant les écrits révisionnistes ? »
― «
Parce que c’est interdit par la loi.
On tourne en rond dans cette affaire ! On dirait que tu le fais exprès ! »
Effectivement on tourne en rond.
On n’avance pas car mon père ne fait que changer de sujet.
D’ailleurs, il ne fera que cela durant tout le temps de l’appel.
Subitement il évoque le livre de Vincent sur le massacre d’Oradour-sur-Glane[
11].
Sans surprise, il ressort l’argumentation habituelle :
Vincent n’est pas un expert.
Or, dans un cas aussi grave que celui d’Oradour, il est nécessaire
de faire appel à des experts.
Je lui rétorque que Vincent a parlé avec des pompiers.
Aussitôt, il me jette un : «
Un pompier n’est pas un expert. »
Bien.Vincent,qui écoute la conversation comme il peut, me souffle à l’oreille disponible :
«
Pourquoi les juges n’ont-ils pas donné suite à ma demande
d’expertise de l’église ? »
Je m’empresse de répéter cela. Mon père ne répond rien.
Il préfère changer de sujet ,tactique habituelle, et demande :
«
Et des témoins alors ? En a-t-il ? »
« Oui, bien sûr : Aimé Renaud. Il était caché dans son jardin au moment
de l’explosion de l’église. »
«
Pourquoi n’a-t-il pas témoigné au procès ? ».
« Peut-être parce qu’il avait peur pour sa tranquillité… ».
Avec une naïveté touchante, mon père lance alors :
«
Mais encore une fois on tourne en rond !
Si cet homme connaît la vérité, pourquoi n’a-t-il pas accepté de la révéler
le jour du procès ? ».
« Peut-être parce qu’il n’est pas facile pour un habitant de la région de dévoiler
des vérités qui dérangeraient très certainement, étant donné la situation
du village d’Oradour, devenu très touristique suite à ce drame.
Puisque la loi interdit de pouvoir dire autre chose que ce que la thèse officielle
affirme, Aimé Renaud n’a pas voulu parler car il a craint pour sa tranquillité. »
«
Et les habitants d’Oradour, que disent-ils, eux ? Ils devaient tous être contre ce témoin. Il faut expertiser Aimé Renaud ! »
Je réponds posément qu’il devrait lire l’ouvrage de que Vincent qui a passé
plusieurs années à faire des recherches à Oradour-sur-Glane et qui a parlé
avec de nombreuses personnes.
Les choses ne sont pas si simples ; les villageois que Vincent a interrogés
ne sont pas tous d’accord entre eux, mais il existe une telle pression
(village très touristique) que ceux qui sont en désaccord avec la thèse officielle
se taisent.
Réponse de mon père :«
Ça recommence, on tourne en rond ! »
Il change alors de sujet pour reprendre l’argument opportuniste par excellence :
« Nul n’est au-dessus de la loi », me dit-il, avant tout de même de reconnaître
que la France ne devrait pas s’être dotée de lois qui restreignent la liberté d’expression.
Mais la lueur de bon sens s’éteint bien vite :
aux États-Unis, dit-il, Vincent pourrait parler comme il le voudrait sans être inquiété,
or nous ne sommes pas aux États-Unis, mais en France, donc il doit respecter
la loi
en se taisant, c’est comme ça.
En persistant à être « négationniste », Vincent est coupable de prosélytisme.
Il s’empresse d’ajouter que si, à mon tour, je me mets à en faire,
sur mon lieu de travail par exemple, je serai licenciée.
Je réponds : « Pourquoi serai-je licenciée ? »
«
Parce que c’est interdit par la loi. »
« Oui, mais pourquoi y a-t-il une loi ? »
«
On tourne en rond. »
On tourne en rond parce qu’il refuse de répondre à la question capitale :
- pourquoi a-t-on voté une loi pour faire taire les révisionnistes ?
Mon père s’en doute probablement, car il change de sujet pour en venir
à mes motivations :
pour lui, la finalité de mon acharnement à affirmer que les chambres à gaz homicides
nazies n’ont pas existé est la glorification de Hitler, de l’extrême droite,
donc du repli sur soi, du racisme, des libertés individuelles primordiales bafouées :
il ne peut pas en être autrement. La situation lui semble gravissime.
Puis il ajoute avec malice :
«
Mais toi tu n’as pas lu tous les livres des révisionnistes...
comment peux-tu dire qu’ils ont raison ? »
Le sourire aux lèvres, je réponds :
« Je n’ai pas eu le temps de tous les lire, c’est vrai.
En revanche, j’ai vu comment on traite les révisionnistes. »
J’ajoute :
«
Papa, tu dis que je devrais laisser tomber les chambres à gaz
parce que ça n’a aucune importance.
Mais si ce n’est pas grave que les chambres à gaz n’ont pas existé,
pourquoi les révisionnistes sont-ils mis en prison ? »
«
Parce que c’est la loi. »
«Oui mais pourquoi y a-t-il une loi sur ça expressément,puisque ce n’est pas grave ? »
― «
On tourne en rond. »
Il me parle d’une « thèse négationniste » soutenue à Caen ou à Rennes
(il ne sait plus), par un étudiant, et qui a reçu le soutien d’un ancien résistant
communiste déporté, Michel de Boüard.
La thèse, dit-il, a «
été cassée », mais le soutien
d’un communiste démontre que les négationnistes peuvent se cacher partout.
Il me parle également du Quid qui serait peut-être infiltré par les négationnistes.
Il revient sur le terrain de la glorification de Hitler.
Je lui coupe alors la parole en évoquant le professeur Robert Faurisson.
J’explique que Monsieur Faurisson ne se revendique d’aucun parti politique
et d’aucune religion ; pourtant, il en arrive aux mêmes conclusions que Vincent
sur la question des prétendues chambres à gaz homicides nazies.
Mon père parle en même temps que moi :
«
Et Bruno Gollnisch ? Bruno Gollnisch ? C’est l’extrême droite.
Donc l’extrême droite ça ne m’intéresse pas. »
« Mais je suis en train de te parler du professeur Robert Faurisson. »
« Il n’est plus professeur ! »
« Bien sûr que si.
Il est toujours professeur et il a prouvé que les chambres à gaz homicides nazies
n’ont pas pu exister.
Il arrive aux mêmes conclusions que Vincent, et pourtant il ne se revendique
de rien d’autre que du résultat de ses recherches.
Alors ne me dis pas que c’est la glorification de Hitler et le désir du totalitarisme
qui nous pousse Vincent et moi à affirmer que les chambres à gaz homicides nazies
n’ont pas existé ! »
Mon père ne répond rien. S’il pensait avoir la partie facile, il doit être bien déçu.
Alors il reprend le couplet légaliste :
«
Mais la loi, Marie, la loi Gayssot, elle est là !
Il faut la respecter. Nul n’est au-dessus de la loi. »
« Et l’avortement alors ? Des femmes et des hommes ont dû se mettre
au-dessus des lois pour que le législateur accepte de reconsidérer
une situation intolérable ! »
Acculé, mon père ressort l’habituel joker :
«
Ce n’est pas pareil. » Naturellement, ce n’est jamais pareil…
Mais je n’ai pas le temps de répondre qu’il reprend sur la loi Gayssot :
« Tout débat entre les historiens tenants de la thèse officielle
et les révisionnistes
est interdit par la loi. »
« Oui mais les révisionnistes ont réclamé un débat avec les historiens dès 1980.
La loi a donc été faite pour les faire taire, car elle date de 1990 ».
Réponse de mon père :
«
Nul n’est au-dessus de la loi. »
Oui, vraiment on tourne en rond.
La conversation s’arrête donc là,car l’un comme l’autre nous ne savons plus que dire.
Il m’annonce qu’il m’enverra par email les références des ouvrages
qu’il est en train de lire.
Recommandation pour recommandation, je l’invite à aller regarder le blog
de Robert Faurisson, à regarder « Holocauste », à lire l’article de Vincent
sur la marche vers la guerre que je lui enverrai en fichier joint dans un prochain email.
***
Le lendemain, je reçus les références annoncées.
Mon père prenait visiblement l’affaire à cœur.
Email envoyé par mon père le mardi 20 septembre 2011 à 12 h 30,
dont je suis l’unique destinataire :
Objet : de quoi lire
Bonjour Marie,
Voici donc mes lectures de vacances (livres achetés à […], librairie […]
que tu as eu l'occasion de visiter) :
- Hitler, François Kersaudy, collection « Maîtres de guerre », éditions Perrin, 2011.
- A l'intérieur d'un camp de travail nazi. Récits de survivants :
mémoire et histoire, Christopher R. Browning, éditions Les Belles Lettres, 2010.
Tu trouveras les 4 e de couverture en pièces jointes.
Autres ouvrages de Browning :
- Des hommes ordinaires : le 101 e bataillon de réserve de la police allemande
et la Solution finale en Pologne, éditions Tallandier, 2007.
- Politique nazie, travailleurs juifs, bourreaux allemands, éditions Tallandier, 2009.
- Les origines de la Solution finale.
L'évolution de la politique antijuive des nazis, septembre 1939 - mars 1942,
éditions Point, 2009.
Papa
***
Un peu plus tard, il m’envoya un deuxième message qui évoquait
l’affaire du Quid et les possibles infiltrations négationnistes :
Email envoyé par mon père le mardi 20 septembre 2011 à 13 h 06,
dont je suis l’unique destinataire :
Objet : Page du Quid
Comme promis, voici également la page du Quid (2007) où figure le chapitre
consacré aux « Révisionnistes »
Tu verras qu'il est donc question de la thèse négationniste d'un certain
Henri Roques ayant trouvé le soutien de Michel de Boüard ancien doyen
de la Faculté de Caen, ancien membre du PCF et ancien déporté à Mauthausen.
Je trouve curieux une telle concentration de communistes ou d'anciens
communistes parmi les anciens déportés à avoir soutenu les idées négationnistes.
Avaient-ils une dette vis-à-vis de l'Allemagne nazie ?
A moins que ce soit à l'égard de Staline si arrangeant avec Hitler au moment
de se partager la Pologne.
Si j'en crois Raphaël Mallard qui ne les porte guère dans son cœur depuis
qu'il eut affaire à eux à Buchenwald, c'est bien là le cœur du problème.
Papa
***
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