- plus de 65 ans après, une mémoire… oublieuse Plus de soixante-cinq ans plus tard, le souvenir de
«
ce signalé service rendu non seulement à tout l’ordre
(bénédictin) et à l’État,mais à l’humanité tout entière » *
est pratiquement anéanti.
Les discours et les monuments anniversaires de la seconde guerre mondiale
ne manquent pas, mais ils ne félicitent que les auteurs du bombardement insensé
qui réduisit en cendre un haut lieu de la civilisation chrétienne.
Ils venaient nous dit-on,en libérateurs contre l’oppression et la barbarie nazie,
et contre leur «
politique de destruction de notre culture nationale
et de notre identité spirituelle » (
dixit K. Wojtyla) **
Les nations dites chrétiennes et civilisées prétendent faire la morale
aux autres et elles ne savent même pas dire merci !
Les crimes commis par les Alliés dans la vallée du Liri.
Mais parlons un peu de cette libération du Mont Cassin et de tout le pays
environnant que les croisés de la démocratie prétendent avoir arrachés
aux horreurs de la guerre.
On nous insinue que cette libération apportait un soulagement général :
- l’horreur de la guerre tenait surtout, voire entièrement dans la barbarie allemande
et la suavité pacifique répandait naturellement ses parfums enivrants sur les pas
des chevaliers de la civilisation chrétienne, polonais, marocains, algériens,
gorkhas, sikhs, tunisiens, français, anglais et américains.
Comment s’est passée réellement à l’époque la « libération »
de la vallée du Liri, nous le lirons dans la correspondance particulière
d’un journal belge, qui n’est certainement pas suspect d’indulgence
pour les « nazis » :
Le triste sort de la population d’Esperia.
Libre Belgique, 20 décembre 1946, page 4 (voir article):
"La population italienne a été mise en émoi par une question posée par M. Persico,
député de la Constituante, au ministre de l'Intérieur et au haut commissaire
de l'Hygiène et de la Santé publique,au sujet des victimes innocentes
de la vallée du Liri.
A la suite de cette interrogation, des enquêtes ont été menées sur place
et de pénibles révélations ont été faites par la presse.
Nous en parlons comme d'un document humain qui prouve,si cela était nécessaire,
que les épisodes atroces qui se sont vérifiés un peu partout pendant la guerre
nous ont reportés aux époques les plus sombres de l'Histoire.
La guerre déchaîne parfois chez les combattants les instincts les plus bas,
surtout si ces combattants sont des hommes vivant en dehors
de la civilisation chrétienne.
Ces révélations,désormais du domaine public,ne peuvent plus nuire
aux bonnes relations entre la France et l'Italie; d'ailleurs, les populations
qui ont souffert un des affronts les plus pénibles de cette guerre ne demandent
qu'à guérir et à oublier un épisode dont elles ont honte de parler.
Lorsque le front de bataille s'immobilisa autour de Monte-Cassino, les hommes
valides de la vallée du Liri se réfugièrent en grande partie sur les montagnes
pour échapper aux rafles des Allemands.
Il s'agissait de paysans et de bergers de bonne race qui, avant la guerre,
menaient dans leurs villages une vie dure, mais paisible.
Les femmes pleines de santé et très belles, dans leurs costumes traditionnels
aux couleurs chatoyantes, étaient travailleuses, honnêtes et pieuses.
Pendant que les hommes,au maquis,aidaient les Alliés en molestant les troupes nazies,
elles supportaient avec courage la misère et la famine dans l'espoir que,
avec les Alliés libérateurs, leurs hommes seraient rendus à leur modeste foyer.
Les Alliés arrivèrent le 17 mai 1944 ;mais c'étaient des troupes coloniales,
qui n'occupèrent pas les villages de l'endroit en libérateurs mais en soldatesque
effrénée.
Ce fut un jour de malheur pour les habitants d'Esperia, de Pontecorvo,
d'Ausonia, etc., que ce 17 mai.
Pendant quinze jours, les Alliés s'étaient battus avec acharnement pour rompre
les lignes de défense allemandes et les officiers des troupes arabes,
pour inciter celles-ci au combat, leur promettaient le pillage de la vallée du Liri.
On sait ce que cela veut dire. On sait aussi que, selon une vieille tradition,
les mercenaires arabes ont droit de proie après le combat.
La première bourgade à subir les violences des Africains fut Esperia,
un village montagneux d'environ six mille âmes :
la joie de la libération avait innocemment poussé la population restante
à aller à la rencontre de ces soldats arabes qui servaient de batteurs d'estrade
au gros des troupes alliées.
On ne peut pas décrire les scènes de sauvagerie qui se succédèrent à partir
de ce moment-là. Toute la population d'Esperia, de 10 à 70 ans, fut à la merci
de cette soldatesque qui, armée de mitrailleuses et de bombes à main,
lui donnait la chasse, le jour comme la nuit.
On entendait des hurlements et les invocations de ces malheureuses gens
qui s'efforçaient de se défendre comme ils pouvaient.
Les quelques hommes qui se trouvaient dans le village et qui tâchèrent
de s'opposer à ces actes de barbarie furent tués ou blessés.
Les officiers français,écœurés des scènes de brutalité qui se passaient
autour d'eux, n'osaient pas sortir de leurs refuges.
Au curé, qui avait demandé leur intervention en faveur de la population,
il fut répondu qu'il leur était impossible de se faire obéir à ces moments-là.
Ce curé fut lui-même victime des brutalités arabes et mourut l'année suivante,
emportant avec lui le secret de son martyre.
Dans le proche village de Picao,un prêtre parvint à se barricader dans son habitation,
dans la cour de laquelle s'étaient réfugiées 150 paysannes avec leurs animaux domestiques,
jusqu'à l'arrivée des troupes anglo-américaines.
Rien ne put mettre un frein aux actes de sauvagerie de ces forcenés armés
qui se prolongèrent pendant deux mois dans tous les villages de la contrée.
Quand les noirs américains arrivèrent dans ces localités,ils durent menacer
de leurs armes les soldats coloniaux pour les empêcher de continuer
leurs exploits qui avaient semé la terreur,la consternation et la honte
dans cette zone déjà si éprouvée par les bombardements.
Si le temps efface un pénible souvenir, les plaies du corps, au contraire,
ne font que s’aggraver sans des soins médicaux appropriés et une nourriture
saine et abondante ; d’où le cri d’alarme de M. Persico et de la presse.
Un officier français, qui commandait des troupes arabes pendant ces jours-là,
revenu sur les lieux, a pu constater l'étendue du mal fait par ses anciens soldats
et s'en est montré extrêmement affligé.
Le regret de cet officier prouve qu'il y a des actes de guerre que de vieilles
nations civilisées ne peuvent pas approuver, parce que rien ne peut les justifier.
Il y a des lois morales auxquelles aucun homme de cœur ne peut se soustraire,
sans quoi il faudrait désespérer de l’avenir de l’humanité".
[Fin de l’article de la Libre Belgique.]
Plus de soixante-cinq ans plus tard,ces lois morales demeurent inchangées
et transgressées tous les jours.
Ne serait-il pas bientôt temps de faire taire le mensonge,
en reconnaissant le mal où il fut ?
*
« Le sauvetage était encore en cours, fin octobre 1943,avant la totale
destruction du couvent, quand la communauté exprima sa gratitude
à ses bienfaiteurs.
Elle leur écrivait notamment :
“Bien que notre communauté ne pense pas que les Américains et les Anglais
s’en prendront à notre couvent, elle vous présente ses remerciements pour l’aide
que vous nous avez apportée.
Si jamais le monastère devait malgré tout être détruit, ce serait non seulement
à tout notre Ordre entier et à l’État italien, mais à l’humanité tout entière
que vous aurez rendu un signalé service.
Et le fait que ce soit justement des soldats allemands qui sont les auteurs
de cette action nous réjouit grandement.” »
(Voy.
Deutche National Zeitung, 12 février 1988,
cité des
mémoires du Père Gereon Goldmann).
**
Karol Wojtyla (J-P II), 19 mai 2004. Voy. l’article :
« La bataille du Mont-Cassin, lutte de la Pologne pour la liberté de l’Europe »,
Zenit, agence internationale d'information www.zenit.org/french.