Qu'on aime ou non le personnage,il faut au moins reconnaître
à Michel Onfray le courage de mener à terme une réflexion
sans se soucier de l'opinion des petits flics de
l'intelligentsia parisienne.
Avec le
Le Crépuscule d'une idole.L'affabulation freudienne(Grasset,22 euros),paru le 21 avril dernier,le créateur de l'Université
populaire de Caen a créé le scandale du début d'année,en n'hésitant pas
à déboulonner la statue du fondateur de la psychanalyse,dont il fut
lui-même jadis un adepte.L'éructation de la cohorte des adorateurs
du roi du divan fut à la hauteur de la stupeur qui les saisit.
L'un des leurs avait osé touché au Dogme !
"Réducteur,puéril,pédant,parfois à la limite du ridicule,inspiré par
des hypothèses complotistes aussi abracadabrantes que périlleuses",
lança BHL (
Le Point,29 avril),
" réhabilitation des thèses paganistes
de l'extrême-droite française" tonna Elisabeth Roudinesco, la chienne
de garde du Temple freudien (
Le Monde des livres, 15 avril).
Sans oublier la désormais obligatoire épithète de "révisionniste" qui lui fut
accolée pour souligner l'affreuseté d'un ouvrage à ne recommander
sous aucun prétexte à ceux qui pourraient y voir matière à se rebeller
contre le gavage de cerveau dont ils sont victimes depuis le lycée !
Un plagiaire sans scrupule.De fait,Onfray n'a pas hésité à frapper fort, reprenant les thèmes déjà lus
sous la plume du néo-droitiste Pierre Debray-Ritzen dans
La Scolastique freudienne (Fayard,1972), de Jacques Bénesteau,
(
Mensonges freudiens, Mardaga,2002), ou encore de Gérard Zwang
"J'ai lu ces livres:ils disent vrai" ose écrire Onfray,citant encore
le
Livre noir de la psychanalyse (Les Arènes,2005), qui a fait polémique
à sa sortie.
Dans les 600 pages bien tassées qu'il nous propose,Onfray s'inspire de la méthode
que Nietzsche professe dans
Par-delà le bien et le mal, selon laquelle
une philosophie n'est jamais que le pendant théorique du corps du philosophe
qui la produit,c'est-à-dire du fabriqué sur mesure.
Il brosse ainsi une réjouissante synthèse biographique et doctrinale de Dr Freud,
la vie explique l'oeuvre,tout comme,à rebours,l'interprétation nous donne
des clés sur l'interprète qu'il kärchérise sans lui laisser un poil de sec.
Qu'est-ce que la psychanalyse,en fin de compte ?
Certainement pas une science universelle,comme le prétendait Freud qui aimait
à se comparer à Copernic et Darwin,mais au contraire
" une discipline vraie
et juste tant qu'elle concerne Freud et personne d'autre".
Le principal problème du personnage:
" avoir pris son cas pour une généralité".
Sa grande passion ?
" Consacrer toute son existence à donner raison à sa mère
aux yeux de qui il incarnait la huitième merveille du monde".
Son obsession ?
" Gagner de l'argent,devenir célèbre".
Ses caractéristiques:de mauvaise foi, cupide,psychorigide,superstitieux
(suivant une mode de Basse-Saxe,il trace trois croix sur ses lettres quand
il veut conjurer le mauvais sort...),cyclothymique,menteur,dépressif,phobique,
atteint de délire numérologique (en raison du numéro envoyé par l'administration
des télécommunications,il croit qu'il va mourir à 62 ans...) et de tabagisme aigu
(il fume vingt cigares par jour) cocaïnomane,etc, Joli monsieur !
Le premier lièvre soulevé par Onfray n'est pas le moindre.
Comme Einstein (ce qu'Onfray se garde de souligner), Freud est un plagiaire
qui n'a fait que rassembler des idées et des techniques existant bien avant lui.
Pour faire disparaître ses sources d'inspiration compremettantes,il a brûlé
de son vivant une grande partie de sa correspondance, de ses notes
et de ses journaux et a également dissimulé ses emprunts en arguant
d'une prétendue "cryptomnésie" fort utile quand il s'agit de faire mine
de découvrir ce qu'on vient juste de lire.
Sa théorie du refoulement,il la doit ainsi au Schopenhauer du
Monde comme volonté et comme représentation, le concept d'inconscient
(dont Freud ne donne pas une définition claire dans les six milles pages
de son oeuvre complète!), comme l'idée du rôle pathogène de la civilisation
pour réprimer les instincts,se trouvent déjà sous la plume de Nietzsche,
les instincts de vie et de mort ne sont rien d'autre qu'une reprise des deux
forces actives d'un poème d'Empédocle, écrit au Vè siècle avant notre ère,
la passerelle entre la méthode symbolique de son
Interprétation des rêveset l'onirocritique de
La Clé des songes d'Artémidore (IIè siècle de notre ère)
est claire comme le jour,sa technique de soin des pathologies en faisant parler
des malades payant après avoir soulagé leur conscience est une resucée
de celle d'Antiphon d'Athènes...
Pour couronner le tout, le concept même de "psycho-analyse",première forme
de psychanalyse, n'est pas de lui, mais d'un autre médecin viennois,
le Dr Joseph Breuer !
La haine du père.Au commencement de tout ça, il y a comme par hasard,les problèmes
(pas minces !) existants entre le petit Sigmund et ses parents.
Sigmund déteste son père, Jakob, qui aurait abusé de l'un de ses frères
et de ses plus jeunes soeurs.
Il va dès lors passer sa vie à le déconsidérer dans son esprit comme
dans celui de sa clentèle chez qui il ne cesse de vouloir diagnostiquer
un sombre désir de "meutre du père", qu'il juge inhérent à l'espèce humaine
depuis l'aube des temps (la fameuse 'horde primitive") jusqu'à la consommation
des siècles.
Toutes les figures pouvant s'apparenter au père, à commencer par Dieu,
comme Père céleste, puis Moïse, comme Père des toucans feront l'objet
de son acharnement obsessionnel.
D'autre part, Freud éprouve une adoration malsaine pour
sa "mère juive archétypique", Amalia,qui le lui rend bien puisqu'elle
considère son "Sig en or" comme la huitième merveille du monde.
De cette relation trouble naît le complexe d'OEdipe que Freud n'a de cesse
de vouloir établir comme pathologie universelle.Son père s'étant remarié
à une jeune femme ayant vingt ans de moins que lui (Amalia a le même âge
que Philipp, le demi-frère de Sigmund), il est certes compréhensible que
ces secondes noces aient pu quelque peu troubler le futur fondateur
de la psychanalyse....
Il en aura des frayeurs et des crampes à l'estomac toute sa vie.
Freud,s'interrogeant sur le tard, croira possible d'avoir vu sa mère
se déshabiller dans le train les conduisant de Leipzig à Vienne....
Quelle histoire ! Cette seule hypothèse devient sous sa plume
vérité historique,
magister dixit , et sera le socle sur lequel
s'édifie toute la pseudo-science freudienne.
Remettant les choses dans leur contexte, Onfray note que ce fameux
" complexe" qui a nourri tant de passions au XXè siècle, n'est à l'origine
que le problème
"d'un homme,d'un seul,qui parvient à névroser
l'humanité entière dans le fol espoir que sa névrose lui paraîtra
plus facile à supporter".
De lourdes pathologies.La sinistre vie familiale et privée de Freud nous est aussi d'une grande aide
pour comprendre la fabrication d'une doctrine centrée sur les pathologies
de son fondateur.
Les "sentiments exagérément tendres" que Sigmund avoue nourrir pour sa fille
Mathilde en sont le premier exemple flagrant.
Les relations tortueuses qu'il noue avec son autre fille, Anna, le prouvent
sans aucune réserve.
Dès sa puberté, Freud la fait en effet assister à des séances de la Société
psychanalytique,où l'on débat tranquillement de la sexualité pathologique,
de la détresse libidinale,des perversions, de l'onanisme et de l'inceste.
Résultat: Anna souffre d'anorexie.Comme c'est bizarre !
Et qui la soumet à une analyse ? Freud en personne !
Lequel la surnomme Antigone, du nom du personnage mythologique issu
d'un inceste entre OEdipe et Jocaste...Pendant neuf longues années,
à raison de cinq à six séances hebdomadaires, le père écoute ainsi
sa pauvre fille lui avouer qu'elle fantasme sur des scènes de fustigation
infligées par son géniteur.Inutile de se demander pourquoi elle est à ce point
détraquée.
La malheureuse reste vierge toute sa vie durant (elle est décédée en 1982),
devient lesbienne et se met en couple avec une Américaine, Dorothy Burlingham,
que Freud va, comme s'il n'y avait rien de plus naturel, allonger sur le divan,
ainsi que les enfants d'ycelle...Faut-il,après ça,s'étonner que ce grand malade
voie de l'inceste à tous les étages et affirme qu'à l'origine de toute pathologie
il y a toujours un abus sexuel du père sur son enfant ?
La psychanalyse guérit-elle au moins ? La fameuse "Anna O.", alias
Bertha Pappenheim, qui a permis à Freud de fonder la psychanalyse,
se révèle être
" le premier mensonge psychanalytique",nous dit Onfray.
Atteinte de multiples troubles, cette patiente âgée de vingt ans et dont Freud
note la disparition durable des symptômes après l'expression verbale
formalisée sous hypnose, en 1882, n'a, en fait, jamais été guérie et vécut
de nombreuses rechutes jusqu'à sa mort.
Le célèbre "Homme aux loups", Sergueï Pankejeff,soi-disant guéri par Freud
lui aussi, a avoué en 1974, à l'âge de 87 ans, qu'il allait de dépression
en dépression, ne croyait plus en aucune thérapie et que,l'interprétation
que Freud avait donné de son cas était
" plus ou moins tirée par les cheveux".
Bref, tous les autres cas analysés, parmi les plus fameux comme le Petit Hans
ou l'Homme aux rats,démontrent que Freud n'a jamais guéri personne.
Certains ont sans doute pu se sentir en meilleur état après quelques séances:
rien moins que l'
"effet placebo",selon Onfray, qui parle à cet égard
du
"chamanisme" de Freud, le thérapeute qui tente de soigner
par la pure suggestion verbale, à l'image du sophiste Gorgias.
Freud convient d'ailleurs, avec le temps, que la psychanalyse ne guérit
que des gens bien portants ! Et de préférence les riches, car les névrosés
de faible condition ont du mal à se débarrasser de leur névrose, qui leur
rend, écrit Freud sans honte,
"dans la lutte pour la vie, de signalés services"à cause du sentiment de pitié dont on leur témoigne.
Pas de divan pour les indigents !
Onfray a fait le calcul: en 1925, Freud prend par séance l'quivalent de 415 euros,
ce qui lui laisse 3 300 euros en fin de journée !
L'essentiel, c'est que ça rapporte:
"
Les patients,c'est de la racaille, ils ne sont bons qu'à nous faire vivre",
laisse tomber Freud.
Onfray n'oublie pas de montrer, en quelques pages éparses, la parenté étroite
liant psychanalyse et judaÏsme.
Dans l'avant-propos à l'édition de
Totem et tabou en hébreu, Freud
écrit d'ailleurs, lui, petit-fils et arrière-petit-fils de rabbin (l'un de ses ancêtres
fut
" l'un des plus grands talmudistes de Galicie", précise Onfray ),
qu'il inscrivait son travail " dans l'esprit du nouveau judaïsme".
Il écrira aussi, dans
Résistances à la psychanalyse que
" ce n'est peut-être pas un simple hasard que le promoteur de la psychanalyse
se soit trouvé être un toucan ".C'est à tel point vrai que Freud, trouvant
" la surreprésentation juive problématique dans la psychanalyse",
remarque Onfray, va chercher Carl Jung une caution "aryenne" !
Du coup, poursuit Onfray, ses sectateurs vont chercher à diffuser l'idée
que
" toute critique de la psychanalyse" reposant
" sur une critique de Freud qui était toucan, elle est donc toujours suspecte
d'antisémitisme".....
On connaît la musique.
L'éloge du Duce.
Onfray est, dès lors, moins convaincant quand il suspecte Freud d'être pro-fasciste,
voire étrangement muet devant la montée du nazisme, pour avoir simplement
rédigé, à la demande d'un psychanalyste italien, une dédicace élogieuse
à Mussolini en 1933:
" avec le salut respectueux d'un vieil homme qui reconnaît en la personne
du dirigeant un héros de la culture ".
A cette époque, le
Duce recvait des gens aussi différents que:
Walt Disney, Sacha Guitry ou Gandhi,peu suspects de fascisme mais admirant
simplement la rénovation de l'Italie qui se déroulait sous la conduite de son Chef.
Freud était un conservateur bon teint, s'intéressant peu à la chose politique
car trop occupé à peigner son nombril,sans plus.
Plus amusant pour la petite histoire eût été de se demander si Freud avait
un jour rencontré Adolf Hitler.
Dans
Le Point (4 mars 2010), on apprenait en effet qu'une aquarelle
signée "A.Hitler" et datée de 1910 était mise en vente à Londres.
Mise à prix: 17 800 euros.Au dos de ce tableau, déniché en Autriche
par un soldat américain en 1945, figurait une mention troublante:
" Cabinet médical Sigmund Freud, Vienne."Or on sait que le futur Chancelier du Reich et l'inventeur de la psychanalyse
ont vécu tous les deux dans la capitale autrichienne avant la Première
Guerre mondiale....Voilà en tout cas un mystère que Onfray ne nous révèle pas !