Un massacre,sans trace,
ça n'existe pas....L'AFFAIRE FLACTIF.
Exclusif.Les parents de Xavier Flactif,massacré avec sa famille
en avril 2003,sont revenus sur les lieux du drame.
Le chalet du Grand-Bornand,en Haute-Savoie,est mis en vente.
A l'intérieur,rien ou presque,n'a changé depuis six ans.
Les scellés des gendarmes sont encore posées.
Une visite intenable en forme d'ultime hommage.
Le JDD était avec eux.
Six ans presque jour pour jour après la tuerie,le chalet de la famille
Flactif,placés sous scellés,va être mis aux enchères.
Estimée à 600 000 euros par des experts immobiliers,la bâtisse de 400 m2
habitables,située face au domaine skiable du Chinaillon,est considérée
comme maudite par certains habitants de la commune.
La meilleure offre,datant d'avant la crise,faite au mandataire est au tiers
de sa valeur.
Accompagnés de Me Géry Humez,leur conseil,les parents de Xavier Flactif
souhaitaient durant ces vacances de février récupérer,avec l'autorisation
de la justice,quelques effets de leurs proches disparus et emporter
du petit mobilier qui sera dispersé dans des associations caritatives
toulousaines,auxquelles ils consacrent désormais l'essentiel de leur énergie
pour "
ne pas trop penser".
Tout est là,tel que les enquêteurs ont laissé les lieux après dix jours
d'investigations méticuleuses qui ont permis de rédoudre "
l'affaire Flactif".
Au sol, un tracé au marqueur délimite les traces de sang.Une odeur pestilentielle,âpre et suave à la fois,prend à la gorge dès
que l'on entrebaîlle la porte.A l'intérieur,il fait aussi froid que dehors.
Voilà maintenant six ans que le chalet n'a pas été ouvert.
Après quelques secondes d'hésitation, Michel Flactif le père adoptif
du promoteur immobilier Xavier Flactif,assassiné ici avec sa compagne
et ses trois enfants par David Hotyat,le 11 avril 2003,pénètre dans
l'immense bâtisse à la lueur d'une torche.
Il se dirige vers le grand salon qu'occupe presque totalement un canapé
de cuir jaune,ouvre fenêtres et volets,brisant ainsi les scellés posées
par les gendarmes pour protéger la scène du crime.
La lumière envahit brutalement l'unique pièce qui occupe tout le second
niveau du chalet.
Sur les placards de la cuisine,tracés au marqueur noir,les contours
de traces de sang,invisibles à l'oeil nu.
Elles avaient été soigneusement javellisées par l'assassin après le quintuple
homicide,mais ont été ensuite révélées par le "
Bluestar",ce produit
pulvérisé par les experts de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie
nationale (IRCGN) qui fait réapparaître dans la pénombre toutes les taches
d'hémoglobine,même méticuleusement essuyées.
Dans ces gouttes,parfois microscopiques,les scientifiques ont pu isoler
les ADN de deux des trois enfants du couple.
Ceux de Sarah,10 ans,et de Grégory,7 ans.
A même les portes des éléments de cuisine figurent aussi les mesures faites
pour analyser les projections de sang.C'est là, au pid de ces trois placards
renfermant ncore les réserves alimentaires de la famille,que les deux gamins
seraient morts,surpris à l'heure du goûter par David Hotyat.
En l'absence d'aveux détaillés de l'assassin,l'étude des projections de sang
a permis d'établir qu'ils ont été tués par un objet contondant,vraisemblablement
une bûche prélevée sur la réserve,près de la cheminée.
Une thèse soutenue par les parties civiles mais invérifiable,tous les corps
ayant été carbonisés par Hotyat dans la forêt.
Sur le plan de travail de la cuisine,encombré de bouteilles,de pots aux contenus
desséchés et de restes de biscuits apéritifs moisis,des bandes collées de papier
millimétré témoignent de la découverte de plusieurs gouttes de sang.
Celui de toute la famille, mais aussi plusieurs ADN,dont un qui n'a jamais pu
être identifié.Au som,un long tracé au marqueur délimite les traces d'une grande
mare de sang,qui elle aussi avait été lessivée.
Comme deux rails sinistres,les contours dessinés vont jusqu'à l'escalier intérieur,
preuve que des corps ont été traînés.
L'ampleur du carnage.Face à la cuisine, au bout de la grande table de verre servant à la fois
pour le repas familial et de bureau au couple Flactif, d'autres relevés
et de larges auréoles soulignées,elles aussi au marqueur noir,sur le parquet
de bois vernis.
C'est là qu'a été tué par balles Xavier Flactif, dernier arrivé dans la maison
familiale,tard dans la soirée du 11 avril.
Sur la terrasse,entourée de Fanny et de Sophie,deux de ses trois filles,
Marie-Clotilde Flactif,la mère de Xavier,est en larmes.
Elle a du mal à entrer dans ce chalet.Malgré la bise,il lui faudra bien
du temps pour franchir la porte-fenêtre.
Son mari,lui,s'active déjà.Il a réenclenché l'électricité,en bas,dans le garage
qui servait aussi d'entrepôt pour le mobilier des locations saisonnières
de Xavier.Lui aussi est très affecté d'être ici.
Michel Flactif n'a pas pour habitude de se plaindre.Mais aujourd'hui,
pour la première fois depuis six ans,ce retraité d'AZF éprouve le besoin
de parler.Et surtout de montrer l'ampleur du carnage enduré par les siens,
avant que toutes les traces ne disparaissent irrémédiablement avec la vente
de la bâtisse.
En remontant,il s'arrête sur le palier du premier niveau où il ne peut s'empêcher
d'expliquer, de mimer même la scène lors de laquelle sa belle-fille Graziella
a été tuée dans l'escalier par Hotyat, caché derière une porte.
Sur le carelage rose brillant,juste en bas des marches,on peut encore voir
les contours de ce qui a été une immense flaque de sang.
"Il a traîné les corps des trois enfants jusqu'ici pour les cacher
en atendant l'arrivée de Xavier.Puis il les a remontés dans la cuisine
avant de les charger dans le 4x4 et de les emmener dans la forêt."Au troisième et dernier niveau du chalet,Michel Flactif marque le pas,
garde le silence.Les relevés des gendarmes sont éloquents:
les traces de sang ne dépassent pas les 45 centimètres de hauteur.
C'est là qu'a été massacrée Laetitia,9 ans,alors qu'elle venait d'échapper
aux coups d'Hotyat,à l'étage inférieur,et se cachait sous l'escalier du lit
surélevé de son petit frère pour échapper à l'assassin.
Serré dans les bras l'un de l'autre,Marie-Clotilde et Michel Flactif,en larmes,
n'arrivent pas à quitter le chalet.
La nuit,et le froid glacial,les enveloppent.
(
Source:Thierry Gilles,
Le Journal du Dimanche,8 mars 2009)
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