.....ou opération de police ?
Chaque année, aux environ du 19 avril, les médias commémorent ce qu'ils appellent
" la révolte", " le soulèvement" ou "
l'insurrection" du ghetto de Varsovie.
Dans les récits des journalistes,
l'affaire tend à prendre des proportions de plus épiques et symboliques.
" Il n'y a jamais eu d'insurrection" *
Cette réplique, vieille de cinq, est de
Marek Edelman, qui fut l'un des principaux
responsables des groupes armés juifs du ghetto.
M.Edelman ajoutait:
" Nous n'avons pas même choisi le jour,
les Allemands l'ont imposé en pénétrant dans le ghetto
pour chercher les derniers juifs."
Il précisait que le nombre des juifs qui combattirent les armes à la main
ne dépassa jamais le chiffre de 220.
Il n'y eut pas d'insurrection de tout un peuple pour obtenir sa liberté ou se défendre
contre la déportation, il n'y eut que la réaction d'une poignée de jeunes juifs qui,
voyant les troupes allemandes pénétrer dans leur sanctuaire, essayèrent d'abord
de s'y opposer, puis tentèrent de fuir le troisième jour et, enfin, encerclés,
se défendirent les armes à la main.
En vingt jours d'escarmouches, les Allemands et leurs auxiliaires
allaient perdre quinze hommes. **
Le tout s'apparenta à une opération de police en pleine guerre plutôt qu'à une véritable insurrection comme celle qu'allaient déclencher en août 1944, à Varsovie,
les résistants polonais de l'Armée de l'Intérieur sous la direction du général "Bor" Komorowski.
Or, c'est à peine si les médias commémorent cette héroique insurrection polonaise,
que les Soviétiques laissèrent les Allemands écraser tout à loisir.
Les résistants polonais d'août 1944 se battirent avec un tel courage que les troupes
allemandes leur rendirent les honneurs militaires.
Il n'est pas sans intérêt de savoir pour quel motif, en avril 1943,
les Allemands avaient pris la décision de lancer une opération de police
au sein du ghetto de Varsovie.
Les juifs regroupés dans ce
"ghetto" ou ce
"quartier juif" constituaient
une population d'environ 36 000 personnes officiellement enregistrées auxquelles
s'ajoutaient, selon toute probabilité, plus de 20 000 clandestins.
Le ghetto était en quelque sorte une ville dans la ville,
administrée par un Judenrat
ou Conseil juif et une police juive qui collaboraient avec les autorités d'occupation,
y compris contre les " terroristes" juifs.
Des abris anti-aériens avaient été édifiés sur instruction des Allemands à la suite
d'un premier bombardement de Varsovie par l'aviation soviétique en 1942,
pour ce faire, les Allemands avaient fourni aux juifs le ciment et les matériaux nécessaires.
Ce sont ces abris anti-aériens que la légende allait transformer en
"blockhauss"et en
"bunkers" comparables, pour un peu, aux casemates de la Ligne Maginot.
Des ateliers et des usines fonctionnaient et des ouvriers juifs y travaillaient pour le compte
des Allemands dont ils étaient les fournisseurs.
Un commerce intense s'exerçait à l'intérieur du ghetto.De petits groupes armés, ne représentant pas plus de 220 personnes,
dont le programme comportait l'usage de
" la terreur et du sabotage",se livraient à des exactions contre la police juive,contre les Conseils juifs
et contre les gardes d'usines et d'ateliers. ***
Ces
"terroristes" tiraient profit de l'activité industrielle et commerciale du ghetto,
rackettaient les commerçants ou les habitants, exerçaient sur eux menaces et chantages,
allant, par exemple, jusqu'à les emprisonner dans leurs maisons pour obtenir les sommes
d'argent exigées, ils réussissaient même à acheter des armes aux soldats qui,
à Varsovie comme souvent à l'arrière du front, constituaient une troupe disparate,
mal entraînée, peu motivée,il leur arrivait aussi de commettre des attentats
contre des militaires allemands ou des
"collaborateurs" juifs.
L'insécurité grandissait.
Pour cette raison, la population polonaise dans son ensemble était de plus en plus hostile
à l'existence de ce ghetto et les Allemands, de leur côté, craignaient que celui-ci
ne devînt une menace pour le noeud ferroviaire que représentait la ville de Varsovie
dans leur économie de guerre et dans le transport des troupes en direction du front russe.
Himmler prit alors la décision de transférer la population juive ainsi que les ateliers
et usines vers la zone de Lublin( dans le sud de la Pologne) et de raser le ghetto
pour y construire un parc sur son emplacement.
Dans un premier temps, les Allemands cherchèrent à inciter les juifs à accepter ce transfert.
Mais les
"terroristes" ne l'entendaient pas de cette oreille car un tel déplacement
signifiait pour eux la perte à la fois de leurs ressources financières et de leur liberté
de mouvement. Ils mirent donc toute leur énergie à s'y opposer, jusqu'au 19 avril 1943 où,
sur l'ordre de Himmler, fut lancée une opération de police afin d'évacuer de force
les derniers juifs.
Ce jour-là, les troupes du colonel Sammern-Frankenegg, responsable de l'opération,
pénétrèrent dans le ghetto, appuyées par un seul char-d'ailleurs capturé pendant
la campagne de France, et par deux voitures blindées.
Les
"terroristes" ou
"franc-tireurs" opposèrent une première résistance assez vive,
qui fit douze blessés( six Allemands et six supplétifs, dits"Askaris").
Himmler, toujours soucieux d'éviter les pertes en hommes, s'en indigna et, le soir même,
releva Sammern-Frankenegg de son commandement pour le remplacer
par le général Jügen Stroop.
Ce dernier, chargé de mener à son tour l'opération de police avec lenteur pour plus de sécurité, l'effectua de la manière suivante:chaque matin, les troupes pénétraient dans le ghetto,
vidaient les immeubles de leurs habitants et utilisaient des fumigènes
(et non des gaz toxiques!) pour extraire des abris anti-aériens les juifs qui s'y cachaient,
on détruisait ensuite les immeubles au fur et à mesure de leur évacuation.
Chaque soir, les troupes se retiraient et bouclaient le ghetto pour la nuit afin que personne
ne s'en échappât.
Pour parvenir à une évacuation totale, l'opération dura 20 jours.
Dès le 3ème jour, les groupes armés juifs avaient tenté de fuir mais avaient été enfermés
dans la nasse.
Contrairement à ce qui a été dit,le commandement allemand ne fit pas appel à l'aviation
pour détruire le ghetto et l'opération ne comporta aucun bombardement aérien...
Le chiffre des morts juifs n'est pas connu, le chiffre de 56.065 généralement produit
étant celui des juifs
"arrêtés" pour être dirigés vers le camp de transit de Treblinka et,
de là,vers Lublin. ****
Le chiffre des morts allemands-répétons-le-fut de 15.
Un policier polonais fut tué le 19 mai, soit onze jours après la dernière escarmouche.
On ne mettra en doute ni le courage des juifs résistants du ghetto ni le caractère tragique
de toute cette affaire, avec une population civile prise elle-même dans un combat
entre quelques formations disparates de l'armée allemande et de petits groupes
de
"franc-tireurs" dispersés dans la population.
Mais,
contrairement à une certaine propagande grandissante,toute cette affaire
fut loin de constituer une révolte " apocalyptique",comme l'on l'a qualifiée récemment,***** surtout si l'on songe aux dizaines de milliers de morts,civils et militaires,
qui survinrent pendant ces 20 jours, sur tous les champs de bataille de la planète
et dans les villes européennes soumises aux bombardemends de l'aviation anglo-américaine. ******
*(
Libération,18 avril 1988,p.27)
**(
Document de Nuremberg:
PS-1061,"Rapport du 16 mai 1943 intitulé:
"Il n'y a plus de quartier juif à Varsovie"( Es gibt keinen jüdischen Wohnbezirk in Warschau mehr!),
TMI,XXVI,p.628-694,suivies d'un choix de 18 photographies sur 54)
En 1979, un ouvrage fut publié, aux Etats-Unis qui se présentait comme une reproduction
en fac-similé du rapport et des communiqués du général Stroop en allemand
avec une traduction en anglais:
The Jewish Quarter of Warsaw Is No More! The Stroop Report,( non paginé).
Le ghetto de Varsovie était
" ouvert" malgré le mur d'enceinte, en ce sens,
il méritait sans doute plus la dénomination de
"quartier juif" que de ghetto.
Les escarmouches proprement dites durèrent du 19 avril au 8 mai 1943,soit pendant 20 jours.