LA HAINE DE NOS ALLIES.A 16h56, la flotte anglaise commence le feu.Abritée derrière l'éperon rocheux du fort de Mers-el-Kébir,elle tire à cadence accélérée
sur nos bâtiments qui cherchent à sortir de la rade.
Les consignes s'exécutent partout avec ordre,à Oran comme à Mers-el-Kébir.
Après 12 ou 15 minutes de
"tir au gîte",les batteries côtières du
Santonet de
Canastel répondent au feu des Anglais, le Strasbourg sort des passes.
Le bilan s'établit ainsi:
- le croiseur
Bretagne, atteint,explose,coule en sept minutes et disparaît sous l'eau:
150 hommes seulement sur 1 300 fuient la mort,soit à la nage,soit en chaloupes.
- le croiseur
Dunkerque, n'ayant pu prendre la mer,à cause d'une avarie à son gouvernail,
reçoit un obus qui tue 150 marins,plus de 100 mécaniciens et chauffeurs, 2 ingénieurs...
Le bâtment est hors de combat.
- le croiseur
Provence,touché,peut par ses propres moyens,
aller s'échouer sur la côte de Kébir:il y a 4 morts.
- le contre-torpilleur
Mogador X61,incendié par l'arrière,s'échoue et compte 14 morts.
- le
Rigaut de Genouilli est atteint,seul le Commandant Teste,non cuirassé,
amarré à la jetée en construction,est intact.
- le
Strasbourg fonce vers la haute mer,part vers Alger,puis vers Toulon.
Et partout ces mêmes visions apocalyptiques,parmi les carcasses d'acier éventrées,calcinées,retentissaient les cris déchirants de centaines
et de centaines de marins agonisants,mutilés,brûlés ou suffocant au milieu d'une fumée
âcre et d'un mazout noirâtre qui étouffent leurs dernières plaintes.
Aussitôt les secours s'organisent.Le Maire de Mers-el-Kébir,M.Boluix-Basset,
les pêcheurs,gendarmes,pompiers,marins rescapés et la population aident au sauvetage
des hommes des bâtiments atteints,jetés à l'eau valides ou blessés.
Une chapelle ardente est installée dans la salle du cinéma de Kébir.
Les obsèques des
1 380 marins assassinés,ont lieu le
5 juillet,
au cimetière de Mers-el-Kébir,en présence du Maire,du Préfet et de l'Amiral Gensoul
qui s'adressera une dernière fois à ses hommes en ces termes:
"Vous aviez promis d'obéir à vos chefs,pour tout ce qu'ils vous commenderaient
pour l'Honneur du Pavillon et la grandeur des armes de la France.
Si,aujourd'hui,il y a une tache sur un pavillon,ce n'est certainement pas sur le nôtre"Le drame n'est pas terminé pour autant.
La haine ancestrale de nos
"alliés" allait se concrétiser ce
6 juillet 1940.
A 6h30, par trois fois en vagues successives,des avions britanniques survolent la rade,
à basse altitude,déposent des mines magnétiques entre le
Dunkerque et la passe,
prennent le navire comme cible.
Torpilles et bombes atteignent le bâtiment qui s'enfonce et échoue sur le fond,
en donnant de la bande.
Les trois chalutiers ou remorqueurs,coopérant à l'évacuation des morts du 3 juillet,
sont coulés à leur tour.
La DCA côtière,les batteries du Santon,Bel Horizon et Lamoune,les mitrailleuses
installées sur la côte,au stade de la Marsa et à l'usine électrique répondent.
Le drame,c'est que cette attaque fera encore
205 tués et
250 blessés atteints gravement.
Au total,la marine française déplore plus de
1 927 morts ou
disparus et plusieurs centaines de blessés dont la plupart gravement brûlés.
Deux avions anglais sont abattus.
Ce qui est horrible,c'est que les marins anglais ont tué en une semaine
plus de marins français que la Flotte allemande pendant toute la Seconde Guerre mondiale.
Nous ne sommes pas loin des 2 403 morts du drame de Pearl Harbor,
l'un des grands évènements de cette guerre puisqu'il décida de l'entrée en guerre
des Etats-Unis d'Amérique.
Mais les Japonais étaient leurs ennemis,les Anglais étaient nos alliés.
C'est là un crime inqualifiable...impardonnable.
Le 8 juillet,De Gaulle,parlant au micro de la BBC,déclare:
"En vertu d'un engagement déshonorant,
le gouvernement qui fut à Bordeaux avait consenti à livrer nos navires
à la discrétion de l'ennemi....
J'aime mieux savoir le "Dunkerque" notre beau,notre cher,
notre puissant "Dunkerque" échoué devant Mers-el-Kébir,
que de le voir un jour,monté par les Allemands,
bombarder les ports anglais,ou bien Alger,Casablanca,Dakar."
et pas le moindre mot de compassion envers les victimes de cette tragédie.
Pour la première fois se trouvait ainsi affirmée,dans la bouche même d'un général français,
une contrevérité:
Alger,Casablanca,Dakar,donc les clés de l'Empire,
allaient être utilisées contre les alliés britanniques.
Et comme il vouait une haine viscérale à
"l'Empire" qu'il considérait comme
"Pétainiste"et qu'il fallait absolument mettre au pas pour la réalisation future de ses desseins,
il donna à la flotte britannique,le
23 septembre 1940 ,
la consigne de bombarder Dakar.
Ce fut l'échec.L'insuccès des Britanniques fit comprendre aux uns et aux autres
qu'il était vain de vouloir détacher l'Empire français de la Métropole et que la poursuite
des attaques servirait de prétexte à une intervention allemande.
UNE DECISION INHUMAINE. Dans ses mémoires,Churchill n'a pas caché son embarras.
Il a comparé Mers-el-Kébir à une tragédie grecque:
"Ce fut une décision odieuse,la plus inhumaine de toutes celles
que j'ai eues à partager" écrivit-il.
Les historiens,les politiques,les
"moralistes" et les censeurs qui ont eu à juger
des hommes,des gouvernements,et à écrire l'Histoire,ont dédaigné de prendre
en considération le traumatisme dévastateur que cet évènement tragique avait produit
dans les esprits....
Mers-el-Kébir explique en grande partie l'attitude de bon nombre de nos gouvernants
de Vichy durant le conflit,comme elle explique aussi celle des autorités civiles
ou militaires d'Algérie en 1942-1943 et d'une population acquise au Maréchal Pétain
mais volontaire pour poursuivre la lutte avec Darlan et Giraud contre les puissances de l'Axe.
L'Afrique du Nord,malgré son traumatisme,accepta de rentre en guerre en 1942
et sera,avec son
"armée d'Afrique", l'une des composantes de la victoire finale.
Elle conservera,néanmoins,son hostilité à De Gaulle,que ce dernier,devenu président
du Comité de la Libération devait justifier.
Il se souviendra toujours de ce sentiment d'inimitié à son égard et,dès 1958,
remis au Pouvoir par ceux-là mêmes qui l'avaient blâmé,leur fera supporter
amèrement le poids de la rancune.
Ces morts Français,bannis de la mémoire nationale,auraient pu reposer en paix.
Or,le 5 juillet 2005,jour anniversaire d'une autre tragédie
(Le massacre de plus de trois mille Européens,le 5 juillet 1962 à Oran),
le cimetière de Mers-el-Kébir fut saccagé sans qu'aucune autorité gouvernementale française,aucun média, aucune association humanitaire et
"antiraciste",
n'élevât la moindre protestation, préférant s'humilier à
"commémorer" la
"répression"(beaucoup plus commerciale)
de Sétif par l'armée française en 1945.
Aujourd'hui encore,le souvenir de cette lâche agression britannique contre la flotte
au mouillage et désarmée demeure vivace dans la Marine et, paraphrasant Talleyrand,
on peut affirmer que
"Mers-el-Kébir a été pire qu'un crime,une faute".
Quant aux survivants de cette tragédie qui défilèrent devant les cercueils de leurs camarades,
ils ont conservé depuis ce visage dur des hommes qui n'oublient pas.
José Castano.Source:
RIVAROL n°3005 du 24 juin 2011,p.13
Mémoire de ce crime sans excuse ICI :
http://merselkebir.unblog.fr/