La vérité sur Guy Môquet.
"
Enquête sur une mystification officielle."
Dès le sous-titre,la couleur est franchement annoncée pour
"
L'Affaire Guy Môquet" *
dont les auteurs Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre,deux universitaires,
ont déjà montré dans un livre précédent
" Liquider les traîtres.
La face cachée du PCF (41-43) "(éd.Laffont) qu'ils ne cédaient ni aux légendes pieuses ni aux mensonges
de l'Histoire.
D'autant qu'ils ont largement recours à des archives (nationales et locales)
qui leuR apportent quantité d'arguments,d'ordinaire négligés ou censurés.
En cinq chapitres (c'est un livre court),ils reviennent d'abord sur l'attitude
de 1939 à 1941 d'un PCF discrédité par le pacte germano-soviétique
puis dissous,pourchassé,mais dont l'appareil aux ordres de Moscou se lance
dans le "défaitisme révolutionnaire ",notamment au moment de la guerre
russo--finlandaise où la France soutenait la Finlande.
De nombreux sabotages furent alors commis dans les usines d'armement
(blindés et avions notamment) cependant que se dessinait la
" pré-collaboration "
avec les autorités allemandes,qui échoua de justesse en raison
des arrestations opérées par la police de Vichy.
C'est au nom de cette politique qu'étaient distribués des tracts défaitistes
appelant à la paix et attaquant les pays "impérialistes ",France et Angleterre.
Et c'est parce qu'il les diffusait que le jeune Guy Môquet,communiste militant,
fut arrêté en octobre 1940.
Son père,député stalinien et resté fidèle au Parti,avait été condamné à la prison
et envoyé en Algérie,ce qui lui sauva la vie.
Arrêté,interrogé,Guy Môquet avoua, sans avoir subi la torture comme on l'entend
encore car les premières Brigades Spéciales n'y avaient pas recours.
On peut faire confiance là-dessus à M.Berlière qui,dans son livre
"Policiers sous l'occupation"(réédité en poche-Collection Tempus-Perrin) n'a pas été tendre pour les BS suivantes.
Emprisonné,Môquet fut avec ses camarades jugé à Paris en janvier 1941
et acquitté (les juges ayant estimé qu'il avait
" agi sans discernement")
mais pas libéré pour autant car soupçonné d'être toujours en contact avec le PC.
C'est à ce titre qu'il fut transféré finalement,avec des centaines de militants communistes,
au camp de Choisel proche de Chateaubriant.
Un camp où il y avait des droit commun et des politiques mais où les conditions
étaient au début très acceptables:les prisonniers avaient droit à des colis,
pouvaient recevoir leurs proches et même pour certains sortir du camp,
à condition de s'engager à ne pas s'évader.
Quelques uns s'étant toutefois
" fait la belle ",la discipline devint plus stricte
et les éléments jugés les plus dangereux furent regroupés à part dans un baraquement,
l'îlot 19.
Un sacrifiéEn juin 1941 Hitler attaque l'URSS et le PC clandestin reçoit l'ordre de lancer
une campagne d'attentats meurtriers contre les troupes d'occupation,
officiers en tête.
Nos auteurs notent qu'il y avait alors peu de candidats,même au Parti,
pour commettre ces attentats et que de jeunes fanatiques furent donc envoyés
de Paris en province.
Ce sont eux qui,le 20 octobre 1941,exécutèrent à Nantes le Feldkommandant Karl Hotz.
Dès leurs premiers morts,les autorités allemandes sur ordre d'Hitler avaient édicté
une implacable
" loi des otages ",qui fut appliquée à Chateaubriant et à Nantes.
Vichy engagea tout de suite des négociations pour atténuer le plus possible
le mécanisme infernal....en sélectionnant des otages chez les communistes.
Mais Guy Môquet ne figurait pas sur les listes envoyées par Pucheu.
Il fut choisi en application d'un paragraphe de la loi allemande qui visait
des jeunes communistes emprisonnés s'il était prouvé que d'autres jeunes
du Parti avaient participé à des attentats.
Ce qui fut le cas à Nantes.
Guy Môquet fut donc un sacrifié.
Comme tant d'autres plus tard,et pas forcément communistes.
MM. Berlière et Liaigre rappellent d'ailleurs que,dans l'état des recherches
encore en cours,le chiffre total des fusillés politiques sous l'Occupation
n'a pas dépassé les 4 000.
Alors que profitant de l'héroïsation officielle du cas Môquet,on a pu réentendre
à la télévision des allusions à la légende des 75 000 fusillés du Parti,
encore récemment évoquée par le camarade Alain Bocquet,député du Nord,
qui vient d'ailleurs de publier ses
Mémoires.
Le livre,et ce n'est pas le moindre de ses mérites,non seulement ne tombe pas
dans la démagogie historique à la mode mais,au-delà du malheureux
Guy Môquet,rappelle que ce drame ne peut être séparé de la stratégie jusqu'auboutiste
d'un parti communiste qui,de 1940 à 1944,constamment fut aux ordres
de
l'Internationale marxiste.
Quel qu'en fût le prix humain.
* 160 pages avec notes et références,12 euros.
Collection A Rebours,éditions Larousse.
Source: RIVAROL n° 2927 du 13 novembre 2009,page 10.