J'ai lu ce livre.
Anne King y fait le portrait d'une quinzaine de menteurs,truqueurs,
mythomanes,affabulateurs,dont certains sont connus,d'autres moins,
mais qui tous ont inventé d'étonnantes histoires supposées leur être arrivées
dans le contexte de la Shoah.
Dans son avant-propos,Anne Kling rappelle que le terme Shoah est relativement
récent dans cette acceptation.
Ce mot hébreu signifiant "catastrophe" fut popularisé par le film de Claude Lanzmann
sorti en 1985,film de 9h 30 qui fut qualifié de
"projet d'intérêt national"par l'Etat d'Israël qui avait participé à son financement.
Auparavant,on parlait plus volontiers d'"Holocauste",mot également hébreu.
Dès la fin de la guerre,le Congrès juif Mondial,basé aux Etats-Unis,avait exigé
la convacation du Tribunal militaire de Nuremberg.
C'est ce Tribunal qui grava dans l'airain le nombre des victimes juives des nazis:
6 millions.
Mais c'est à partir du procès d'Adolf Eichmann en 1960 que la machine mémorielle
se mit véritablement en route.
L'heure était venue,selon Anne Kling,de
"souder l'Etat hébreu autour d'un passé
commun et de faire fructifier le sentiment de culpabilité que les Etats occidentaux
pouvaient nourrir à cet égard".A l'occasion,
l'émotionnel prit définitivement le pas sur la recherche de la véritéet les souffrances juives passèrent bientôt au rang d'uniques,puis d'indicibles.
A un moment où les révisonnistes commençaient dangereusement à s'agiter,
cette dernière étape fut franchie en 1988,lors d'un colloque organisé à Oxford
par le magnat juif de la presse Robert Maxwell,en présence de cinq cents universitaires
provenant de vingt-quatre pays.
C'est à partir de cet événement que la Shoah quittera véritablement le domaine
du rationnel et de la critique historique pour entrer de plain-pied dans celui du "mystère",
pour ne pas dire de la religion.
C'est dans ce contexte de quasi-sédération mentale que certains petits malins
ont compris les bénéfices qu'ils pouvaient tirer d'un filon des plus prometteurs,
et se sont mis en conséquence à concocter un certain nombre de récits pour le moins
fantaisistes.
Au lieu de se heurter à la raillerie ou à une critique historique des faits qu'ils relataient,
ces auteurs furent généralement encensés.
Anne Kling distingue dans son livre les menteurs de la Shoah et les affabulateurs.
Les premiers ont inventé la totalité de leur supposée histoire.Ils n'ont jamais été déportés.
Les seconds n'ont pas menti sur tout.Ils furent effectivement des rescapés,mais ils en ont
rajouté,enjolivant leur aventure,amalgamant les souvenirs d'autres déportés,s'inventant
des souffrances inouïes.
Anne Kling intitule un dernier chapitre de son livre : Sale temps pour les mythes".
Elle y évoque les Journaux d'Anne Frank,les fantaisies d'Elie Wiesel et les aventures
légèrement imaginaires du chasseur de nazis Simon Wiesenthal.
Parmi ces étranges menteurs,l'auteur cite Jerzy Kosinski,juif polonais émigré aux Etats-
Unis,dont
"le récit poignant d'un petit enfant courageux",si l'on en croit la quatrième
page de couverture fit pleurer dans les chaumières.
L'Oiseau bariolé,présenté comme un témoignage autobiographique,remporta
un énorme succès et fut traduit en de nombreuses langues.
Témoignage chrétien le commentera ainsi :
"Ce récit demeurera parmi les quelquesBvingt documents essentiels que nous aura laissés
la Deuxième Guerre mondiale". Rien de moins.
Kosinski embarque son lecteur dans un voyage éprouvant chez les "sauvages" d'Europe
centrale où le pauvre gamin errant assistera ou sera victime d'à peu près toutes
les perversions et sévices imaginables.
A la sortie de son livre,Kosinski deviendra une vedette,encensé même par Elie Wiesel,
une référence si l'on ose dire.Il faudra attendre 17 ans pour qu'un magazine américain,
The Village Voice,révèle que son livre avait en fait été écrit par des nègres,
que les "sauvages" l'avaient en réalité recueilli et protégé durant la guerre,
avec sa famille.
et que ce récit n'avait strictement rien d'autobiographique.
Anne Kling évoque aussi le personnage de Martin Gray,auteur du best-seller
Au nom de tous les miens,paru en 1971,écrit en fait par Max Gallo.
Gray raconte qu'envoyé à Treblinka,il avait été obligé d'étrangler de ses mains
des enfants qui vivaient encore après être passés par la chambre à gaz.
Mélange de Tintin et de Zorro,il prétend avoir réussi à s'échapper miraculeusement
à de multiples reprises.
Il se serait retrouvé à Berlin,fin avril 1945,et aurait failli capturer,à lui tout seul,
Martin Bormann.Martin Gray prétendra avoir perdu cent-dix membres de sa famille
dans l'Holocauste,mieux,si l'on peut dire,que Simon Wiesenthal qui n'en aurait perdu
"que" quatre-vingt-neuf...
En fait le livre écrit par Max Gallo s'inspire très fortement de
Treblinka,
de Jean-François Steiner,auquel Anne Kling consacre également un chapitre.
Autre histoire étonnante,relatée dans le livre:celle de la petite fille aux loups.
Une gamine juive âgée de huit ans,dont les parents auraient été arrêtés par les nazis
à Bruxelles,et qui parcourt,toute seule,pendant quatre ans,l'Europe à feu et à sang
en s'aidant d'une boussole !
Elle marchera 3 335 kms,très précisément.
Dieu merci,durant son odyssée,elle sera adoptée par une meute de loups,
dont elle va désormais imiter les comportements.
Elle réussira à pénétrer dans le ghetto de Varsovie,aura la chance de pouvoir tuer
un soldat allemand à coups de couteau,et assistera même au massacre d'un convoi
d'enfants.En réalité cette épopée qui a généré un livre à grand tirage et un film,
Survivre avec les loups,
présentés tous deux comme des histoires parfaitement
véridiques,n'étaient que des fantaisies sorties tout droit du cerveau imaginatif
de Mme Defonseca,qui n'était aucument juive.
(voir le détail sur le lien ci-dessous):
http://liberation-44.forumactif.org/t230-mentir-avec-les-loupsreflexions-sur-une-escroquerie-monumentaleAnne Kling évoque aussi le cas d'un sacré mythomane,Binjamin Wilkormirki.
Son père avait été assassiné sous ses yeux,en Pologne,il avait été déporté,à quatre ans,
au camp d'extermination de Majdanek et était même passé par Auschwitz,
ce qui pose son homme.
La présentation de son livre
Fragments-Une enfance 1939-1948,paru en France
en 1997,évoque
"une livre inoubliable,chef-d'oeuvre d'écriture et d'émotion".
Problème: Benjamin Wilkormirski n'existait tout simplement pas.
Ce nom n'était pas,au demeurant,un pseudonyme,mais une identité totalement fictive
présentée comme réelle.
Ce mythomane suisse n'était pas même juif.Il s'appelait en réalité Dösseker et avait
été adopté par un couple qui portait ce patronyme.
Il eut l'incroyable toupet et l'odieuse ingratitude de prétendre,dans une interview,
que son père adoptif était un sympathisant nazi qui ne l'avait recueilli que parce
qu'il était fasciné par le fait qu'il était
"une des enfants du Dr Mengele".L'accueil fait à son livre fut enthousiaste.La shoah vue par les yeux d'un enfant !
Les grands journaux se pâmèrent.
Le Monde releva la
"singularité" de ce livre
"insoutenable".Il fut invité partout à la télévision à titre d'expert de la Shoah.
L'accueil fut triomphal aux Etats-Unis.Mais nous laisserons à Anne Kling le soin
de raconter comment la construction s'effondra...
Evoquons un dernier personnage des plus curieux,avant de laisser nos lecteurs
se plonger avec passion dans le livre remarquable d'Anne Kling.
Il s'agit d'Enric Marco.Un héros,une icône.Le déporté espagnol le plus connu,
président de la plus ancienne association de déportés d'Espagne,que les télévisions
s'arrachaient,car il savait causer,ô combien ! Et puis,syndicaliste d'extrême-gauche !
Il se rendait en pèlerinage dans les camps,faisait des conférences dans les écoles
et tirait des larmes aux plus endurcis.
Dans son autobiographie parue en 1978,il racontait les horreurs vécues dans le camp
de Flossenbürg,dont il était l'unique survivant espagnol.
L'imposture éclata en février 2005,alors qu'il accompagnait le Premier ministre espagnol
à Mauthausen,pour les célébrations du 60e anniversaire de la libération des camps.
Las,
des documents irréfutables venaient d'être découverts,prouvant qu'il n'avait
jamais été déporté mais qu'au contraire,il était parti comme travailleur volontaire
en Allemagne ! Il fut rapatrié illico en Espagne et destitué de ses fonctions.
Plus tard,il eut le culot d'espérer se justifier,en déclarant:
" Je n'ai pas vécu les camps,mais c'est tout comme'. Sacrés menteurs ! Sacrés imposteurs !